Le soupçon: Une raison valable pour la GRC de restreindre la liberté d’un ex-montréalais?

Dénoncé par sa conjointe, Ismael Habib, 28 ans, a été arrêté le 27 février sous plusieurs chefs d’accusations, soit de harcèlement, de menaces de mort et l’utilisation de faux documents. Le 3 mars, la Gendarmerie royale du Canada déposait une dénonciation au palais de justice de Montréal dans laquelle elle disait avoir des motifs raisonnables de craindre la possibilité qu’il commette une infraction terroriste. L’agence fédérale a rajouté qu’elle avait depuis quelques temps «ciblé» cet homme à cause de son radicalisme. La procureur demande alors, selon l’article 801.01, qu’Ismael Habib s’engage à respecter certaines conditions dont les détails n’ont pas été dévoilés.

En fait, la dénonciation faite par la GRC était fait sur la base de l’article 83.231(1)a). En effet, l’incitation à craindre des activités terroristes représente une infraction au code criminel. L’on peut y lire que :

quiconque sans excuse légitime et avec l’intention de faire craindre soit la mort ou des blessures corporelles, soit des dommages considérables à des biens ou une entraves sérieuse à l’emploi ou l’exploitation légitime ceux qui transmettent ou font en sorte que soient transmis des renseignements susceptibles de faire craindre que des activités terroristes sont ou seront menées, sans être convaincu de leur véracité.

Ainsi, le soupçon représenterait une raison valable pour incriminer un individu. En effet, à la vue des récents événements terroristes, comme celle qui a entraîné la mort du caporal Nathan Cirillo et celle de l’adjudant Patrice Vincent, le gouvernement à créé le projet de loi C-51, dans l’intention de prendre rapidement des mesures pour lutter contre le terrorisme djihadiste.  Ce projet de loi, nommé Loi antiterroriste de 2015 permet d’augmenter la capacité d’échanger les renseignements entre les ministères et organismes gouvernementaux à des fins de sécurité nationale, mais surtout à criminaliser l’incitation et la promotion de commission d’actes terroristes, ainsi que d’empêcher les terroristes de se rendre à l’étranger et de recruter d’autres personnes. C’est donc à l’aide de ces différentes dispositions que le gouvernement souhaite renforcer les mesures de protection :

  1. Mettre un terme aux activités de ceux qui font la promotion du terrorisme, par la création d’une nouvelle infraction dans le Code criminel
  2. Pour lutter contre le recrutement, L’on donne à nos juges le pouvoir d’ordonner la saisie et la confiscation de matériel de propagande terroriste et le retrait de ceux-ci des sites Web canadiens.
  3. Donner au Service Canadien du renseignement de sécurité (SCRS) la capacité, en vertu d’une décision d’un tribunal, d’intervenir afin d’empêcher des complots terroristes précis.
  4. Afin d’améliorer le Programme de protection des passagers, on atténue les menaces à la sécurité des transports en apportant des modifications sur la Loi sur la sûreté des déplacements aériens et en empêchant les déplacements aériens.
  5. Une détention temporaire plus facile pour les forces policières et le pouvoir de demander à un tribunal d’assortir des conditions de présumé terroristes pour protéger les citoyens.
  6. Permettre l’échange responsable de renseignements de sécurité nationale entre les ministères et organismes fédéraux (Loi sur la sécurité de l’échange des renseignements au Canada)
  7. Veiller à ce que le gouvernement soit en mesure d’utiliser des renseignements classifiés au moment de refuser l’entrée et le statut à des non-citoyens qui posent une menace pour le Canada (modification de la Loi sur l’immigration et protection des réfugiés)

L’accusation peut donc être faite sur des suppositions dites raisonnables mais ne doivent pas obligatoirement être vérifiées avant d’enlever l’un des droits les plus important, la liberté. Ce compromis est justifié par le contexte de la menace évolutive du terrorisme. Bref, le projet de loi mettait l’accent sur la sécurité de l’ordre public au détriment de la liberté.

Le renseignement est alors perçu comme essentiel pour la protection du pays. Le renseignement de sécurité nationale représente le plus haut niveau de renseignement du pays. Il est composé de renseignement provenant de toutes les sources mises à la disposition du gouvernement.  C-51 permet au dispositif de sécurité nationale davantage de latitude en matière d’infiltration, la surveillance et l’interception, bref, d’intrusion dans notre vie privée.

Comment comprendre l’effet de l’adoption de lois comme C-51 sur le cycle du renseignement? cycle renseignement Les objectifs stratégiques du renseignement servent à orienter les priorités, politiques et pratiques policières de façon à augmenter la sécurité et la prévention. L’un de ces objectifs est l’identification et l’évaluation de menaces à l’ordre public, l’établissement des priorités ou des besoins du client du renseignement. Ces besoins peuvent-ils dépasser la sécurité et servir à promouvoir une certaine forme de contrôle social dont le but est essentiellement de multiplier les menaces à des fins politiques? Selon l’article 2 de la charte canadienne des droits et libertés chacun à la liberté de conscience et de religion, la liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression. Le renforcement des mesures antiterrorisme brime alors ces droits fondamentaux, en plus de donner lieu à une discrimination importante contre la religion musulmane, ce qui peut engendrer de la frustration dans cette communauté et un sentiment d’oppression.