Apple contre FBI

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Lors de l’ouverture de l’enquête sur l’acte commis le 2 décembre à San Bernardino, plusieurs éléments conduiront le FBI à qualifier l’acte comme un acte terroriste relié au groupe de  Daesh. Lors de l’enquête, on a récupéré les téléphones des accusés et étant donné les paramètres de sécurité des IPhone, fabriqués par la compagnie Apple, le FBI ne peut accéder aux données contenues dans le cellulaire de l’auteur sans l’aide d’Apple.

Le FBI veut la coopération du géant informatique Apple pour pouvoir « fouiller » dans le téléphone d’un des accusés. Une fois de plus, la boîte de Pandore concernant le choix entre la liberté individuelle et la sécurité nationale est ouverte.

Tim Cook, patron d’Apple, a refusé de coopérer avec le FBI, raison pour laquelle ce dernier a décidé de se tourner vers les tribunaux pour obliger le géant de l’informatique à coopérer. Déjà plusieurs voix se sont élevées en faveur de l’un ou l’autre des protagonistes.

Pour le PDG de Apple; il est clair que l’ouverture de ce téléphone créerait un « précédent » qui pourrait permettre aux forces de l’ordre et aux gouvernements de tous les pays d’avoir accès à une foule d’informations, qui pourrait même mettre la vie de certains utilisateurs d’iPhone en jeu. De plus, cela annulerait les dispositions prises par Apple au fil du temps pour rendre leurs téléphones sécuritaires.

Pour Nicholas Weaver, chercheur à l’International Computer Science Institute de Berkeley, il est évident que : «Cela affaiblit complètement le droit à la vie privée à l’étranger, et si le gouvernement croit que cela ne créera pas un précédent qui sera utilisé en Chine, en Russie et ailleurs, il commet une grosse erreur.»

La création d’une « Backdoor » viendrait compromette une promesse du géant américain que seul le propriétaire de ces téléphones réputés inviolables dispose de la clé de cryptage. Donc, Apple rechigne à créer un logiciel qui permettrait de donner accès aux données de ses clients, même si cette demande émane de la justice américaine.

Le ministère de la Justice croit qu’Apple ne comprend pas la demande du FBI, affirmant que la police ne demande pas à Apple de modifier son produit mais que des mesures soient prises pour pouvoir décrypter le téléphone des terroristes de San Bernardino. L’argument de la sécurité nationale est le cheval de guerre des groupes contre Apple; dans ce cas-ci, les renseignements dans le téléphone sont potentiellement de nature internationale. La peur des attentats sur le territoire américain a permis à la justice d’utiliser des lois telles que le USAPATRIOT Act ou le All Writs Act, et c’est particulièrement sur ce dernier texte de loi que le FBI joue ses cartes contre Apple.

Dans cette joute juridique, Apple est présentement en avance car un juge de New-York vient de donner raison à Apple concernant le décryptage des données dans un téléphone d’un présumé trafiquant de drogue. Le juge a affirmé que le All Writs Act ne permettait pas de violer la propriété privée (dans ce cas-ci les données) du téléphone sans le consentement du propriétaire.

Les renseignements que le FBI peut utiliser ont pour but un objectif tactique, on veut pouvoir fermer l’enquête en prenant en considération tous les éléments, en particulier de savoir s’il y avait des complices impliqués qui n’ont pas été arrêtés. Par contre, il y a peut-être aussi un but stratégique derrière la demande du FBI, de connaître les intentions de Daesh sur le sol américain, leurs sources de financement.

Au Canada le débat de la liberté individuelle contre la protection nationale est aussi d’actualité. Le SCRS a pour but de récolter les renseignements de sécurité et les corps de police peuvent récolter des preuves lors de perquisition de téléphones. Par contre, l’article 8 de la Charte Canadienne des Droits et Liberté stipule que «Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives» et pourrait empêcher l’accès aux informations.

Même la Loi antiterroriste du Canada n’est pas assez «puissante» pour imposer à une multinationale d’ouvrir les messages encryptés. Il existe par contre un précèdent au Canada où une compagnie a coopéré à des activités policières. En 2012, la compagnie BlackBerry avait fourni aux autorités policières les données encryptées du téléphone d’un individu car la police était munie d’un mandat.

Par contre, jamais BlackBerry ou un autre fournisseur ont fourni un accès global aux données encryptées comme le souhaitait certains pays (Arabie saoudite, Inde, etc) ou organisme de sécurité nationale tel que la NSA. Quelle est la différence entre ce que le FBI demande à Apple et ce que la Sûreté du Québec avait demandé à BlackBerry?

À mon avis, si le FBI met la main sur la clef qu’il demande, toutes les organisations gouvernementales voudront obtenir le même service. Cette situation pourrait rendre difficile le quotidien de beaucoup de groupes dans plusieurs pays; on peut penser à la sécurité des homosexuels dans certains pays, des minorités religieuses dans d’autres car nous conservons tout dans notre téléphone. Par ailleurs, le FBI voulant une participation complète d’Apple dans cette enquête en permettant de débloquer le téléphone de San Bernardino, il s’attend à ce que par la suite Apple débloque tous les téléphones qu’il lui demandera. Donc, on peut y voir une manière détournée d’accéder à la vie privée des américains sous prétexte de sécurité nationale.

Enfin, étant donné que rien n’est à l’abri sur un ordinateur connecté à internet, les probabilités qu’une personne ou un groupe mettent la main sur cette clef et l’utilise à des fins personnelles ou politiques sont importantes.