Budget antiterroriste: à la hausse plus que jamais
Le terrorisme est sans aucun doute une des grandes préoccupations de la société moderne. En effet, énergie et argent sont déployés chaque année pour tenter de parvenir à irradier ce qui est considéré comme une énorme menace. En ce sens, stratégies, lois et équipes d’enquête spécialisées ont été créées. Bien que tout cela ne date pas d’hier, un nouvel aspect du phénomène terroriste semble inquiéter davantage les autorités canadiennes. Je parle ici de la radicalisation d’individus canadiens, qui sont susceptibles de commettre ou qui commettent des actes terroristes.
Rappelons-nous les événements du mois d’octobre 2014, où deux attentats terroristes ont eu lieu au Canada, soit un à Saint-Jean-sur-Richelieu et l’autre à Ottawa. Les auteurs de ces crimes sont deux Québécois qui s’étaient convertis à l’islam et puis radicalisés. Il semblerait que cette radicalisation soit possible, entre autres, à partir de sites web, où l’on fait de la propagande des groupes islamiques. Ainsi, malgré le fait que ces groupes terroristes se retrouvent à l’extérieur du pays, il serait tout de même possible d’entrer en contact avec eux et faire partie du groupe. S’ajoutent à cela les quelques individus canadiens qui ont tenté d’aller, ou qui sont allés combattre à l’étranger, dans leur vision particulière du «djihad». Il s’agit là de l’une des préoccupations premières des autorités canadiennes, qui tentent par plusieurs moyens de mettre fin à cette évolution.
L’une des démonstrations les plus éminentes de cette mobilisation contre le terrorisme est la création des Équipes intégrées de la sécurité nationale (EISN) de la GRC. Cette conception date de 2001, suite aux attentats du World Trade Center à New York. Ainsi, en 2001, la GRC a modifié l’organisation de ses sections d’enquêtes relatives à la sécurité nationale (SESN) et a créé les EISN. Ces équipes se consacrent en priorité aux enquêtes antiterroristes. L’objectif était d’améliorer la capacité de collecte, d’échange et d’analyse des renseignements parmi les partenaires concernant les individus ou entités qui menacent la sécurité nationale. De plus, on voulait accroître la capacité d’enquête afin de traduire en justice ces individus et entités, et finalement, on voulait améliorer la capacité collective des organismes partenaires de contrer les menaces de la sécurité nationale et de s’acquitter des responsabilités spécifiques prévues par le mandat.
La « peur du terrorisme » étant de plus en plus importante, cela a un impact flagrant sur les budgets alloués aux EISN. En effet, les montants attribués aux équipes intégrées de la sécurité nationale sont en hausse depuis leur création, mais le bilan de l’année 2014-2015 montre que pour cette année, nous avons battu un record. Comme le mentionne La Presse dans son article La GRC dope son budget antiterroriste, le budget réel total des EISN s’est élevé à 57,3 millions pour l’année 2014-2015. Par contre, il est à noter que ce n’est pas le fonds de roulement de base qui ait augmenté. Il s’agit plutôt d’une réaffectation à l’interne des ressources qui appartenaient, au départ, à des équipes affectées à d’autres types de criminalité. En ce sens, il est possible de voir où sont les priorités de la police fédérale : lutter contre le terrorisme.
Par contre, on peut se questionner sur la nécessité d’affecter autant d’argent aux EISN. Est-ce que la menace terroriste est aussi importante que semble le démontrer la GRC? Est-ce que ces 57,3 millions de dollars sont nécessaires? Cette « peur du terrorisme » est-elle vraiment fondée? D’un point de vue philosophique d’application de la loi, les réponses à ces questions sont automatiquement positives. Le but explicite de la philosophie d’application de loi est de maximiser le nombre d’arrestations, car la «prévention» du crime passe par la neutralisation des éléments criminels. Ainsi, dans une optique de « chasse aux méchants », la stratégie principale est l’enquête, où l’écoute électronique, la surveillance, ainsi que le renseignement criminel, coopératif et transnational sont des techniques utilisées. C’est visiblement en fonction de cette philosophie que le gouvernement du Canada gère son portefeuille et déploie ses efforts antiterroristes. Bref, les oeufs sont dans le panier de la répression du terrorisme.
Quelles peuvent être les conséquences d’une telle vision des activités policières et des enquêtes? Il pourrait sembler logique de dire que si la GRC continue de percevoir le travail de ses équipes en fonction de cette philosophie, les budgets alloués aux EISN ne feront qu’augmenter, et ainsi donc les opérations policières. De plus, pour revenir aux questions posées précédemment, il est effectivement pertinent de se demander si la « peur du terrorisme » est justifiable. Serait-ce une simple manipulation de la part du gouvernement, qui suite aux derniers événements de nature terroriste au Canada « investi » des sommes énormes dans cette lutte? Il serait possible de croire qu’en réagissant de la sorte, le gouvernement crée de l’insécurité chez les citoyens, une insécurité qui n’est probablement pas liée au danger réel.