Ski-dure, un projet efficace

Plusieurs types d’intervention ont été tentés avec le temps pour que les messages des policiers soient compris par une clientèle plus difficile comme les jeunes. Des manières répressives ont, par le passé, été prisées, mais de nouvelles façons de faire sont maintenant appliquées sur le terrain, amenant des résultats plus que fructueux. C’est le cas du programme Ski-Dure qui a été mis en place par la police de Mont-Tremblant en collaboration avec les commerçants et le centre de ski de la région depuis 2011.

Au fil des années, plusieurs plaintes ont été adressées à la police au sujet de groupes d’étudiants âgés entre 18 et 25 ans, provenant d’aussi loin que les Maritimes et les États-Unis à bord de grands autobus et venant faire du grabuge dans les différents commerces de la région. Le directeur du IGA Mont-Tremblant relate la situation en expliquant que «ça se battait dans le magasin. Ça se lançait des fruits et légumes, ça criait, ça chantait, ça cassait tout finalement ».

C’est dans ce contexte que ce programme a vu le jour, car la situation nécessitait assurément une intervention policière quelle qu’elle soit. L’intervention choisie est réalisée en amont du grabuge, en mettant l’emphase sur les explications faites aux jeunes à propos des règles de bon comportement à la montagne et dans la ville. Les jeunes sont rencontrés par la police avant même qu’ils n’aient mis un pied à l’extérieur de l’autobus afin de recevoir des explications sur les dites règles. Cela fait en sorte que le dérapage est mieux contrôlé, car les jeunes savent, à prime abord, à quoi s’en tenir. Ils ne peuvent donc pas jouer la carte de ceux qui ne connaissaient pas la marche à suivre au Québec, car les règles de conduite en vigueur sur le territoire et les conséquences les accompagnant sont expliquées très clairement avant même que leur séjour débute. Des règles aussi simples que les endroits permis pour la consommation d’alcool allant jusqu’aux règles plus complexes comme le droit des policiers de procéder à une fouille s’il y a suspicion de possession de drogues sont ainsi décrites aux jeunes.

Jusqu'à 14 autobus arrivent à la fois à Mont-Tremblant, pleins de jeunes skieurs.

Comme Joseph A. Wickliffe (2000) l’explique dans son étude Pourquoi les juvéniles commettent des crimes, «connaitre les règles permet à un adolescent de déterminer ce qu’il va faire dans une situation donnée. Connaitre les normes fait en sorte qu’un adolescent choisit une bonne façon de faire les choses et une mauvaise façon». Donc, en mettant les jeunes à l’affût des règles à suivre et en les confrontant aux conséquences qu’un écart à celles-ci provoque, on s’assure qu’ils aient une réflexion sur la bonne façon d’agir. Cela amène, dans une majorité de cas, un dénouement positif.

De plus, il est important de mentionner que les policiers utilisent l’humour pour rejoindre les jeunes, une caractéristique essentielle de leur intervention. Comme la Gendarmerie Royale du Canada le mentionne dans son résumé des bonnes interventions verbales, il est important de «créer une atmosphère positive lorsque cela est possible» ainsi que de «sourire et utiliser l’humour de manière appropriée». À ces niveaux, le projet Ski-Dure vise dans le mile, car les jeunes semblent apprécier cette facette du message. Certains adolescents mentionnent même que des policiers comme M. Hinse, un des policiers impliqués dans le programme, devrait aller exercer leur métier en Ontario, car les policiers ne sont pas aussi sympathiques qu’ici, disent-ils. La preuve qu’humour et rigueur peuvent aller de pair.

Les résultats de ce programme parlent aussi d’eux-mêmes. En effet, les policiers mentionnent que «l’implantation a eu pour effet de diminuer de 38% le nombre d’appels que les policiers reçoivent pour de jeunes visiteurs qui consomment de l’alcool et qui troublent la paix ». Avec un achalandage de plus de 9000 voyageurs, il était impératif que cette situation problématique change drastiquement et on peut dire que c’est mission accomplie, car l’effet a su se faire sentir partout dans la ville qui est renommée pour son tourisme. Sur le plancher, les commerçants affirment voir une réelle différence. Benoit Desrochers, copropriétaire du Métro, confirme les effets du projet en affirmant que «ça prévient le grabuge, les vols et les problèmes d’attitude globale».

Une autre facette du projet qui ne doit pas sombrer dans l’oubli est le fait que la sensibilisation des jeunes face aux règles de conduite à Mont-Tremblant a aussi un effet à long terme, car ces jeunes adultes peuvent devenir de «bons ambassadeurs pour la région auprès de leurs amis et familles», explique la ville. Selon moi, le fait que les jeunes soient conscientisés dès le début de leur séjour sur les règles à suivre à la station de ski et au Québec permet aussi d’espérer des conséquences positives dans d’autres villes du genre. En effet, selon moi, l’intervention des policiers de Mont-Tremblant sur les vacanciers permettra aussi de diminuer la criminalité dans d’autres villes et monts du genre pour ne nommer que les Mont Ste-Anne et Jay Peak de ce monde. Ce sont ces mêmes jeunes qui iront ensuite à ces montagnes de ski et qui agiront probablement de manière exemplaire, ayant été conscientisés préalablement. Ce phénomène est, en fait, la diffusion des bénéfices, une théorie décrite par Clarke et Weisburd (1994), qui se produit lorsque l’activité délinquante n’est pas seulement prévenue dans l’endroit pris pour cible, mais aussi dans les secteurs environnants. Ce principe s’applique, selon moi, très bien à la situation.

Ce type de programme fait aussi en sorte qu’un des mythes sur le travail des policiers est en partie réfuté. En effet, alors que beaucoup croient que le seul travail des policiers consiste à arrêter des malfaiteurs, on peut voir que leur travail de sensibilisation et de prévention est aussi au cœur de leur quotidien. Comme on peut le constater dans le reportage sur M. Hinse, les policiers peuvent être autant valorisés lorsqu’ils aident à prévenir un crime que dans l’action suivant sa découverte. De plus, il est important de mentionner que ce programme est un exemple probant que les policiers font des choix et orientent leurs interventions selon leur perception de la situation et de la déviance. Dans ce cas-ci, les policiers auraient très bien pu agir de manière très stricte en imposant leurs règles et en appliquant rigoureusement le code Criminel. Ils ont plutôt choisi d’agir stratégiquement en tentant une connexion avec les jeunes pour assurer une ouverture de leur part aux règles et une meilleure compréhension de celles-ci.

Sans titre

De plus, ce programme permet aussi de faire des comparaisons avec les neufs principes de la police que Charles Rowan et Richard Mayne avaient énoncés du temps où ils travaillaient pour la Metropolitan Police Service, un service de police anglais. Premièrement, le programme Ski-Dure veut prévenir le crime et les désordres plutôt que les réprimer. C’est ce qui est fait quand, en entrant dans l’autobus et en énonçant la marche à suivre préalablement, les policiers contrôlent une opportunité criminelle qui aurait pu se produire. Deuxièmement, le programme vise à gagner et à conserver le respect du public comme la police anglaise le faisait. C’est ce qui est fait par les policiers à Mont-Tremblant en mettant les étudiants de leur côté en utilisant, entre autres, l’humour. Troisièmement, la police vise aussi à assurer la coopération du public pour faire respecter les lois plutôt que d’agir avec de la coercition. Dans aucun cas les policiers n’ont voulu utiliser la force physique ou même l’arrestation pour régler définitivement le problème. Ils l’ont plutôt résolu en misant sur la coopération avec les jeunes pour s’assurer de leur bon fonctionnement dans la ville et la province. Au final, tout le monde y trouve son compte et les jeunes en viennent même à remercier le policier et à lui serrer la main. Ce ne sont là que quelques exemples pour démontrer le rapprochement entre l’approche des policiers de Mont-Tremblant et celle préconisée par la police anglaise qui est, selon moi, une police beaucoup plus près des gens et plus humaine. De plus, on peut, sans le nul d’un doute, dire que le concept de police consensuelle est au cœur du programme Ski-Dure, car les policiers ont utilisé une force minimale, voire inexistante, pour la résolution du conflit. L’implication des vacanciers y est pour beaucoup.

Somme toute, il clair dans mon esprit que les policiers de Mont-Tremblant ont mis en place un programme qui fonctionne et que beaucoup de services policiers pourraient s’en inspirer. Selon moi, ce type d’intervention peut réellement donner des dividendes concrètes. Dans certaines situations, l’aspect le plus important pour qu’une intervention fonctionne est le fait qu’un lien de confiance s’établit entre les policiers et la population visée. Cela est primordial et confirmé par plusieurs études comme celle de Sykes and Brent (1983) où il est mentionné que la police «compte largement sur la coopération de tous ceux qu’ils rencontrent et que ceux-ci apprécient cette facette de leur travail. Cependant, ce cycle de confiance peut être perturbé très facilement et peut rapidement tomber en une confrontation avec ceux représentant la force. » Ski-Dure permet de créer un lien de proximité entre les jeunes de 18-25 ans et les services policiers qui ne peut être que bénéfique sur le long terme. À voir les sourires des jeunes lorsqu’ils débarquent de l’autobus, on peut dire que c’est mission accomplie.

Cette tranche d’âge a d’ailleurs une propension au crime plus élevée que les autres. Il est donc important d’avoir un message clair et compréhensible. Il faut également qu’il soit adapté pour ceux-ci en incluant, par exemple, l’humour, car des variables comme l’influence des pairs peuvent rapidement faire sombrer les directives et les efforts des policiers dans l’oubli. Les études, comme celle fait dans le journal The Future of Children à l’automne 2008, prouvent que l’influence des pairs affecte grandement le jugement des adolescents. Il est mentionné que les adolescents sont beaucoup plus susceptibles de commettre des crimes en groupe dans le but de chercher l’approbation des pairs qui est souvent primordiale pour eux. Le programme Ski-Dure s’attaque à cet aspect en voulant individualiser la responsabilité de chacun.

Sur ce, je félicite tous les gens impliqués dans le projet, car cela permet de voir un autre type de fonctionnement des services policiers, un fonctionnement très efficace je dois l’avouer.