La Sûreté du Québec efface une preuve
Le soir du 20 janvier 2015, deux individus entrent dans le dépanneur de Monsieur Léo Boulet, dans la ville de Rouyn-Noranda en Abitibi-Témiscamingue. Les deux hommes, Tom et Benoît Plante, auraient alors demandé le contenu de la caisse. Deux coups de bâtons auraient été donnés par Benoît Plante au propriétaire. À la vue des attaches que possédait son frère Tom, M. Boulet aurait souligné qu’il n’était pas nécessaire de l’attacher et leur aurait remis l’argent. Alors que les deux hommes quittaient le dépanneur, le propriétaire aurait ouvert le feu en direction des malfaiteurs, atteignant Tom Plante dans le dos. Les deux individus ont été appréhendés et des accusations de vol qualifié et de voies de faits ont été déposées.
Léo Boulet, le propriétaire du commerce avait déjà ouvert le feu lors d’un vol à main armée, plusieurs années auparavant, a été formellement accusé de 6 chefs d’accusations, soit :
- avoir déchargé intentionnellement une arme à feu prohibée;
- voies de faits graves contre Tom Plante, en le blessant, le mutilant et le défigurant;
- avoir utilisé un pistolet d’une manière négligente;
- avoir eu en sa possession une arme à feu à autorisation restreinte chargée sans être titulaire d’un permis et d’un certificat d’enregistrement
- avoir eu en sa possession une arme prohibée, un pistolet, sans être titulaire d’un permis;
- avoir eu en sa possession une arme dans un dessein dangereux pour la paix publique.
Deux caméras ont enregistré les événements dans le commerce, une caméra étant orientée vers l’entrée et l’autre vers l’arrière du comptoir, où les altercations ont eu lieu. Les enregistrements ont donc été remis à la Sûreté du Québec. Cependant, en tentant de transférer les enregistrements vers un support USB, les policiers les ont effacés. L’avocate de monsieur Boulet, Me Claude Boulianne, n’a pu voir les enregistrements avant que ceux-ci soient détruits. Les enquêteurs de la Sûreté du Québec seront donc les seuls à pouvoir témoigner du contenu des enregistrements. Le procès ayant été reporté plusieurs fois déjà, il est raisonnable de se questionner vis-à-vis l’exactitude des faits que ceux-ci vont rapporter, de surcroît plus d’un an après les faits.
Les organisations policières semblent être très peu encadrées dans la gestion de preuves, puisque les enquêtes et les mesures prises pour sévir s’il y a manquement auprès des policiers sont de nature disciplinaire et déontologique. Dans cette situation, l’article 15 e) du Règlement sur la discipline des membres de la Sûreté du Québec «Constitue notamment une faute disciplinaire: la falsification, la soustraction, ou la destruction de documents de la Sûreté ou sous la garde de la Sûreté ou d’autre document officiel;» pourrait s’appliquer si les actions des enquêteurs étaient jugés négligentes.
Une enquête indépendante par une autre organisation serait une possibilité logique, face à ce type de situation, pour s’assurer qu’il ne s’agit pas d’une négligence fautive des enquêteurs ou même d’une destruction volontaire d’un élément de preuve. Les enquêtes indépendantes sont, pour l’instant, déclenchées lors d’un événement grave impliquant un corps de police. Cependant, lors d’événements aussi problématiques que la défense de monsieur Boulet, où les circonstances dans lesquelles les enregistrements ont étés détruits sont nébuleuses, une enquête devrait être effectuée par une autre organisation par raison de transparence.
À mon avis, une instance officielle devra être crée pour s’assurer du traitement des preuves recueillies par les divers corps de polices du Québec. C’est une situation regrettable qui laisse présager une problématique future. En raison des avancées technologiques modernes, les commerçants peuvent maintenant se munir de systèmes de caméras et de systèmes de sécurité électroniques. Le traitement de données informatiques par les instances de policing sera donc monnaie courante dans les affaires criminelles. Il sera donc nécessaire de former de meilleurs enquêteurs au traitement de données informatiques et d’avoir une instance de surveillance des corps policiers pour éviter une autre bourde de la sorte.