Radicalisation: les policiers veulent l’aide de la population
L’inquiétude des corps de police du Canada par rapport à la radicalisation a été ressentie lors de la 110e conférence annuelle de l’Association canadienne des chefs de police (ACCP). Ce qui fut mis de l’avant : l’importance de l’aide de la communauté pour éliminer ou du moins, faire diminuer cette problématique.
Du 16 au 19 août 2015, 350 policiers et experts, étaient réunis pour l’occasion au Centre des congrès de Québec. L’année précédente le sujet de la radicalisation avait été soulevé à l’ACCP suite aux évènements malheureux de St-Jean-sur-Richelieu et d’Ottawa.
En effet, le 20 octobre 2014, Martin «Ahmad» Rouleau avait foncé avec son véhicule sur deux militaires dans un stationnement commercial du boulevard Séminaire. Un des deux militaires était décédé. Le 22 octobre 2014, une fusillade au Parlement d’Ottawa, déclenchée par Michael Zehaf-Bibeau, se terminait par la mort d’un caporal ainsi que celle du tireur.
Ces individus radicalisés sont présentées comme deux parmi beaucoup d’autres. C’est pourquoi les policiers cherchent des solutions et demandent à la population de l’aide afin de détecter ceux qui seraient le plus à risque de commettre un éventuel attentat. C’est en prévention et en collaboration avec les citoyens que la police veut aller de l’avant. Selon Mario Harel, vice-président de l’ACCP, la radicalisation n’est pas le problème de la police, mais celui de la communauté. Différents partenaires comme les écoles et les imams doivent aussi être mobilisés.
Lors du congrès, l’un des objectifs énoncés est d’enseigner à déceler les indices d’un comportement pouvant mener à une radicalisation, et cela à l’ensemble de la communauté. Le chef du SPVQ dit qu’aucun n’endroit n’est ciblé plus qu’un autre, par les policiers, en ce qui concerne la prévention. Il dit aussi que les cellules terroristes au Québec ne se regroupent pas nécessairement à un lieu, mais aussi sur Internet.
D’ailleurs, l’Université Laval surveille l’ensemble des comportements, dont la propagation d’idées intégristes, des étudiants par une cellule de crise.
Bertrand de Jouvenel écrivait dans un livre classique: «On peut se représenter le sentiment d’insécurité comme une fonction, qui prend pour chaque membre d’une société donnée, à un moment donné, des valeurs différentes. Selon le nombre de choses qu’il craint, la probabilité mathématique de l’un ou de l’autre de ces évènements, et sa propension à exagérer ou à sous-évaluer cette probabilité (Jouvenel 1946: 414). On peut ici faire un lien avec les policiers, qui insécurisent la population en clamant qu’il faut être vigilant par rapport à la radicalisation et que si on ne détecte pas les signes, tel que conseillé, on pourrait être en danger. On pourrait croire que les corps policiers tentent de modifier les valeurs de la population, entre autres vers une solidarité pour la lutte contre la radicalisation. Ils prennent deux événements en exemple, rapprochés dans le temps, qui pourraient avoir un effet de généralisation auprès de la population et exagérer la probabilité d’une prochaine attaque.
Ce principe d’insécurité est d’autant plus confirmé par l’énonciation de la Loi antiterroriste de 2015 par le gouvernement du Canada. En effet, on peut lire lors de la première phrase du paragraphe : «Le monde est un endroit dangereux et le Canada n’est pas à l’abri de la menace du terrorisme (…) nos organismes de sécurité nationaux ont besoin de plus d’outils pour suivre le rythme des menaces en évolution». Dès les premiers mots, une peur est tangible et le besoin d’outils supplémentaires est mis de l’avant, outils auxquels on pourrait inclure l’aide des citoyens tant réclamée.
Un lien est à établir entre le message que la police tente de livrer présentement au citoyen et les principes de droit de Charles Rowan et Richard Mayne en 1829. Ces derniers étaient les premiers directeurs du service policier nommés par Robert Peel. Certains principes étaient les suivants : s’assurer de la coopération du public pour faire respecter les lois, viser la coopération plutôt que la coercition ainsi que la police est le public et le public est la police. Avec les années, les autorités semblent avoir pris de plus en plus le monopole de la sécurité, délaissant peu à peu les citoyens ordinaires. C’est pourquoi il peut sembler surprenant qu’en 2015 le principal message que lance la police ait le besoin de la population pour contrer la radicalisation et se rapproche plutôt de ce que tentaient d’obtenir les autorités vers les années 1829.
Beauchesne, dans son texte «Le combattant du crime» (p.47), décrit bien le déclin de l’aide réelle qu’apporte le citoyen aux autorités avec les années. Dans son texte, il dit que le citoyen ne doit plus régler lui-même ses conflits, mais doit faire confiance au «combattant du crime» qui le protégera désormais des menaces. L’auteur dit que cette conception du rôle du citoyen s’inscrit dans une vision dominante de la démocratie en Amérique du Nord dans les années 1920 à 1960. Une conception qui fait l’effet d’un contraste avec l’aide du public réclamé en 2015 et qui marque un certain changement d’idéologie.
L’article Sécurité renforcée à Boston sur le présent site décrit ce qu’est le «Boston Strong; phénomène social afin de démontrer la force et le courage de tous.» C’est la solidarité des citoyens, suite à l’attentat de Boston pendant le marathon, se positionnant contre les attentats, se tenant par la main afin de protéger les événements se trouvant sur leur territoire et cela dans le but de décourager certains assaillants en prouvant la détermination des citoyens. L’auteur de l’article parle de sécurité informelle par les participants et spectateurs. Les citoyens se positionnent alors en combattants se ralliant à la police pour éviter un attentat semblable. En rappelant à la population deux événements marquants cités en début d’article, on pourrait croire que la police recherche cette sécurité informelle en généralisant le phénomène de «Boston Strong» non seulement aux événements et endroits où il y a eu attentat, mais bien en gardant à l’esprit la possibilité que ça peut se produire n’importe où et qu’il faut garder un souci et une force constante pour contrer la radicalisation.
Finalement, un autre article sur ce site peut être intéressant en lien avec celui-ci, soit Sotchi sous haute surveillance. L’article montre à quel point les citoyens concèdent à ce que la police entre dans leur vie privée dans le but d’assurer une sécurité mise en péril par la crainte d’un attentat. C’est qu’en créant une inquiétude de la sorte et en favorisant la collaboration de tous contre la lutte à la radicalisation, la population se questionne de moins en moins et se positionne même en faveur d’une réduction de la vie privée. On pourrait donc se questionner si la police veut réellement l’aide du public ou veut simplement avoir accès à des informations plus facilement.