Le test salivaire, une méthode d’enquête intéressante
Depuis des années, les Gouvernements du Canada et du Québec reconnaissent la conduite avec la capacité affaiblie comme étant un fléau social, ce qui a grandement élargi les pouvoirs des policiers en la matière. L’agent de la paix a des pouvoirs que l’on dit étendus, que ce soit pour poser des questions à l’individu soupçonné de conduire un véhicule à moteur alors qu’il a les capacités affaiblies, ou pour lui ordonner de fournir un échantillon d’haleine. Ayant maintenant accès à des technologies portatives tel que l’appareil de détection approuvé (ADA), les agents des différents corps policiers du Québec sont maintenant libérés des épreuves de coordination de mouvements (ECM). Ces épreuves étant beaucoup plus longues et moins fiables devant les tribunaux, en raison de leur caractère subjectif et du fait qu’elles dépendent de l’observation des policiers. En matière d’alcool, l’utilisation des ECM est maintenant réduite aux situations où l’agent se voit dans l’impossibilité d’obtenir un ADA dans les délais nécessaires.
Aujourd’hui, un problème prenant de l’ampleur sur nos routes est celui des drogues au volant. Rappelons que quoique souvent oublié, il s’agit également de capacités affaiblies selon le Code criminel canadien :
Commet une infraction quiconque conduit un véhicule à moteur (…) que ceux-ci soient en mouvement ou non, lorsque sa capacité de conduire ce véhicule (…) est affaiblie par l’effet de l’alcool ou d’une drogue; ou par l’effet combiné de l’alcool et d’une drogue.
Une campagne de sensibilisation a été lancée au cours de l’année 2015 par la Société de l’assurance automobile du Québec pour informer les conducteurs, en particulier les jeunes de 16 à 24 ans, que « toutes les drogues sont détectables ». Cette campagne a pris vie à la suite du constat que 31% des conducteurs québécois décédés dans un accident entre 2008 et 2012 présentaient des traces de drogue dans leur sang.
Si l’alcool bénéficie d’un moyen permettant aux agents d’acquérir des motifs rapidement et avec un plus fort degré de certitude que des observations, pourquoi les drogues restent encore aujourd’hui limitées aux ECM? Il y a pourtant des outils disponibles, comme le test salivaire utilisé entre autre en Belgique, qui permettent d’obtenir un résultat ayant prouvé son efficacité pour la détection des drogues. Ce test permet non seulement de détecter s’il y a des traces de drogues dans l’organisme du conducteur, mais dirige également vers le type de consommation présente. Une fois au poste, l’agent évaluateur (l’équivalent de ce qu’est l’alcootest à l’alcool) est orienté vers le type de drogue auquel le conducteur s’est exposé. Le test salivaire est d’une durée de deux minutes et son résultat apparaît dix minutes plus tard. Le facteur temps est donc semblable à celui des ECM présentement utilisés. Ce test peut être très utile si l’on considère que les patrouilleurs, bien qu’ayant suivi des formations, ne sont pas tous spécialistes en matière de drogue. Il pourrait leur permettre d’amener des preuves à l’expert certifié du service de police dans un dossier, de la même façon qu’agit l’ADA en matière d’alcool, et ainsi réduire l’utilisation des ECM aux situations d’exception.
L’objectif ici n’est pas de remettre en question la validité des épreuves de coordination des mouvements utilisées aux Québec, puisque celles-ci sont acceptées et reconnues par les tribunaux de la province. Il s’agit plutôt de réserver leur utilisation à des situations particulières en raison de leur plus grande subjectivité, et de privilégier la technologie démontrant un taux de certitude élevée, afin d’augmenter le niveau de confiance des policiers, des tribunaux et de la société.
Le test salivaire est reconnu comme peu invasif (souvent défendu par les tribunaux selon l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés), simple d’utilisation et ne nécessitant pas de commodité particulière. Donc, facilement utilisable sur la chaussée, à la suite d’une interception routière pour conduite erratique. Les principaux inconvénients de ce test qui sont avancés lors d’études sont souvent : la faible certitude quant à la concentration de la substance dans l’organisme; le temps écoulé depuis sa consommation; ainsi que la nécessité d’être confirmé par une deuxième méthode. Au Québec, en ce qui a trait à la concentration et le temps écoulé depuis la consommation, ça ne devrait pas être un problème. En effet, la loi est appliquée dans les cas de conduite erratique et non de façon aléatoire, dans le cas d’une consommation suffisante pour affaiblir la capacité de conduire de l’individu. Pour le dernier inconvénient concernant la nécessité de validation par une seconde méthode, il est déjà prévu dans notre loi qu’un agent évaluateur passe une série de tests au conducteur une fois les motifs d’une consommation acquis, allant jusqu’à l’échantillon de sang.
En conclusion, la mission de la police est notamment d’assurer le maintien de l’ordre et l’application de la loi. L’arrestation des conducteurs ayant les capacités affaiblies par la drogue et la prévention des accidents routiers pouvant en découler, est au centre du travail policier en matière de prévention, d’enquête et d’arrestation des contrevenants. En 2009, 69 conducteurs étaient arrêtés pour la drogue au volant, contre 409 en 2013. Si le Gouvernement veut continuer d’influencer positivement les résultats en procurant aux policiers des outils facilitant leur travail sans en restreindre son efficacité, il se doit de poursuivre ses recherches sur les méthodes alternatives utilisées dans d’autres pays. Le test salivaire a été abordé, mais le test urinaire apparaîtrait également digne d’analyse, comme toute autre méthode disponible.