Mort de Martin Dubé: les policiers ont-ils la gâchette trop facile?
Le mercredi 2 décembre restera marqué à tout jamais dans la mémoire de Madame Diane Dubé, car celle-ci a vu son fils se faire abattre par deux policiers à seulement quelques mètres d’elle. En effet, Mathieu Lévesque, qui souffrait depuis quelques mois de troubles psychologiques, aurait été abattu par balles suite à une altercation avec sa mère dans une résidence de Saint-Jean-sur-Richelieu. L’homme de 25 ans était très agressif, il crachait au sol et il aurait même frappé sa mère au visage avant que celle-ci se réfugie dans sa chambre à l’étage.
C’est suite à un appel de détresse au 911 de Mme Dubé qu’une policière se serait rendue sur les lieux où elle a été confrontée devant un homme agité et agressif. L’individu a même tenté de pousser la policière à l’extérieur de la maison. C’est à l’arrivée d’un policier en support que le suspect aurait sorti un couteau. La policière lui aurait ordonné de jeter le couteau au sol, mais celui-ci n’a rien fait et c’est à ce moment que les policiers sur place auraient fait feu dans la direction du jeune homme.
Mon attention face à cet article a surtout été attirée vers les propos du père de la victime suite aux évènements. Celui-ci ne comprenait pas pourquoi les policiers avaient automatiquement sorti leur arme à feu. «Ils ont du poivre de Cayenne, une matraque, des menottes, et de la formation!». Ce n’est pas la première fois que j’entends ce genre de réaction et je me suis dit qu’il serait bien de s’y pencher davantage. Plus précisément, je voudrais approfondir le sujet de l’usage de la force et de l’arme à feu par les policiers lors d’un évènement à haut risque tout en faisant un parallèle aux évènements précédemment cités.
Tout d’abord, contrairement à ce que certains croient, les policiers n’ont pas carte blanche sur l’usage de la force dans le cadre de leur travail. Au Québec, l’usage de la force est guidé et contrôlé par des lois et des pratiques bien établies. Lorsque nous parlons d’usage de la force, il existe plusieurs degrés, que ce soit du simple contact physique à l’usage de l’arme à feu. L’outil le plus essentiel lors d’une intervention à risque pour un policier est le modèle national de l’emploi de la force, modèle enseigné aux policiers lors de leur formation à l’école nationale de police du Québec. Ce modèle permet à ces policiers, lorsque maitrisé, de prendre une décision rapide sur le choix du type de force à utiliser en fonction d’un évènement. Bien que le modèle puisse paraître simple, il est très important de le maitriser, puisque le policier qui se retrouve dans une situation à risque n’a que très peu de temps pour prendre une décision et agir. En plus du modèle de l’emploi de la force, le code criminel et le code de déontologie policière tracent également les lignes directrices de l’emploi de la force.
Pour un policier, l’usage de l’arme à feu est seulement envisageable lorsqu’il n’y a plus d’autre solution de rechange. Également, les pratiques policières n’exigent pas que les policiers emploient l’option de force la moins invasive possible, mais bien une force raisonnable dans les circonstances. C’est, entre autres, l’interprétation que l’on peut en déduire en lisant l’article 25 du code criminel canadien. J’en viens donc à la conclusion que lorsque la vie d’un policier ou celle d’une autre personne est menacée, les coups de feu peuvent être considérés comme raisonnables.
Dans le cas de Mathieu Dubé, ce dernier tenait un couteau dans les mains et il était à proximité des policiers et de sa mère. En plus de cela, il était très agité, agressif et il avait déjà agressé sa mère quelques minutes plus tôt. Donc, il y avait un risque imminent que Mathieu inflige des lésions corporelles graves ou qu’il cause la mort aux personnes présentes. Selon le modèle national de l’emploi de la force, la force mortelle était totalement légitime si nous nous fions aux faits rapportés. Par contre, il faut éviter de sauter trop vite aux conclusions, puisqu’il nous manque une multitude d’éléments entrant en ligne de compte pour justifier une telle décision. En effet, est-ce que Mathieu les a chargés avec son couteau? Démontrait-il des signes précurseurs d’assaut? Avait-il une autre alternative possible que l’arme à feu? Ce sont des questions que les enquêteurs de la Sûreté du Québec chargés de l’enquête devront étudier pour déterminer si le geste était justifié.
Au Québec, lorsque survient un décès lors d’une intervention policière impliquant un policier directement, c’est la politique ministérielle qui se met en application. En attendant que le Bureau des enquêtes indépendantes soit opérationnel, selon la procédure d’enquête appliquée au Québec lors d’incidents impliquant des policiers, le ministère de la Sécurité publique confie l’enquête à un service de police différent de celui auquel sont rattachés les agents impliqués dans les événements.
Comme on peut le voir dans l’article 48 de la loi sur la police, une des missions premières de la police est d’assurer la sécurité des personnes et des biens. Quand la police se retrouve devant une situation à risque où la vie d’une personne est en danger, elle se doit de faire tout ce qui est en son pouvoir pour assurer la sécurité. C’est pour cette raison qu’elle ne peut prendre de risque et qu’elle doit choisir la solution la plus raisonnable et la plus efficace. Malheureusement, cette solution amène parfois des morts ou des blessés, mais elle aura peut-être sauvé une ou plusieurs vies.