Allégations d’agressions et d’abus de pouvoir par des policiers de la SQ sur des autochtones
Alors que plusieurs instances demandent une commission d’enquête sur les femmes autochtones disparues ou assassinées, la journaliste Josée Dupuis de l’émission Enquête de Radio-Canada était partie à la recherche d’informations sur la mystérieuse disparition de Cindy Ruperthouse, une femme autochtone de Val-d’Or. Le travail d’enquête des policiers de la SQ sur cette affaire était aussi dans la mire de la journaliste, car plusieurs mois ce sont écoulés avant même qu’ils se décident à rencontrer la famille concernée par la disparition d’un de leur membres. Par contre, le reportage final du 22 octobre dernier de Mme Dupuis: «Enquête sur des policiers qui ont perdu le nord», a pris une toute autre tournure. Après six mois d’enquête et plusieurs entrevues avec des gens de la communauté, Mme. Dupuis a recueilli plusieurs allégations d’abus physiques, d’agressions sexuelles, d’abus de pouvoir et de pratiques douteuses de la police, en particulier sur les femmes autochtones. Ce sont des révélations chocs et troublantes donc nous avons entendu lors de la diffusion du reportage sur la chaîne d’État.
À la suite du passage de l’équipe de l’émission Enquête dans la région de Val-D’Or et de la diffusion du reportage,« des policiers visés par des allégations d’agressions sur des autochtones» sont sous le couvert d’une enquête. Les allégations de ces femmes vulnérables à visage découvert à la caméra, les témoignages de quelques acteurs du milieu communautaire et de certains citoyens ébranlent la confiance et le respect du public envers la police. Les autres principes fondamentaux qui sont eux aussi au coeur de la police moderne anglo-saxonne, dont nous sommes largement inspirés, sont aussi remis en doute. Prenons, par exemple, le principe d’être au service de la loi, de la prévention, de s’assurer de la coopération du public, d’éviter la coercition, de ne pas usurper les pouvoirs et de l’efficacité qui passe par la diminution du crime. L’apparence de mépris de la police envers les autochtones fragilisés, en autre par la toxicomanie, la violence et un faible revenu socio-économique, laisse croire qu’elle se soucie peu de faire en sorte que la collaboration et la confiance soient la base de leurs interactions. Des policiers seront peut-être à leur tour sur le banc des accusés. Le transfert possible des dossiers de l’enquête par le SPVM sur cette affaire vers le DPCP pourrait se traduire par des d’accusations criminelles. Des pratiques douteuses de huit policiers ciblés au poste de Val-d’Or soulèvent d’ailleurs des interrogations dans l’esprit du public en ce qui concerne la prévention. Ils pouvaient, par exemple, laisser ces femmes sous l’influence de la drogue et de l’alcool sur une route à quelques kilomètres du centre-ville ou de de la réserve autochtone sous le prétexte qu’elles puissent dessoûler. Il faut préciser que leur tenue vestimentaire n’était pas toujours adéquate pour affronter les conditions climatiques de l’hiver et que la tactique de la police pouvait en inquiéter plus d’une, car le comportement et les allégations actuelles de ceux qui représentent la loi étaient connus de cette petite communauté.
La police qui enquête sur la police apporte aussi son lot de questionnements pour le commun des mortels. Comme le dit Beauchesne, «Le pouvoir discrétionnaire, jumelé à la solidarité policière de la base, occasionne une perte d’informations en remontant vers le haut de la hiérarchie, (Le «combattant du crime). Alors, dans le contexte actuel nommé ci-dessus, comment pouvons nous s’assurer de la crédibilité et l’objectivité du processus? Comment pouvons nous être certain que toute l’information fera partie de l’enquête en cours?
De plus, l’impartialité et la légitimité de la police auprès de ce groupe semblent se mélanger et ou se coincer entre le conflit social des Premières Nations et du gouvernement. Ce dernier a un impact important sur les organisations policières, par le biais des budgets alloués et des lois et des règlements qu’il vote. Il peut également établir certaines politiques et missions prioritaires pour l’organisation de police. De ce fait, la SQ qui est ciblée dans cette affaire dépend du ministère de la Sécurité publique du Québec. Un lien est peut-être à faire avec l’état des choses auxquelles nous sommes confrontées comme société face à ce petit groupe. Il faut mettre en contexte que le gouvernement a longtemps ignoré les impacts négatifs de sa suppression historique des droits de la population autochtones. Le gouvernement peut également mettre en bas de la liste la sécurité et l’ordre social de ce peuple. Toujours selon Beauchesne, «…le fossé entre les riches et les pauvres s’élargit, les «les nantis» considèrent les «les laissés pour compte» comme la cause du désordre…«pendant que les riches s’enrichissent, les pauvres vont en prison»», (Le «combattant du crime»). Le faible intérêt porté envers cette communauté ainsi que les faibles mesures réparatrices du gouvernement envers les Premières Nations se reflètent peut-être dans l’attitude et la considération que leur porte la police.
Il est à souligner que l’image ternie de la police de Val-d’Or par le récit des personnes présentées dans le reportage, remet en cause l’accomplissement même du mandat actuel auquel celle-ci doit répondre. En fait, aucune des trois missions contemporaines de la police, que ce soit le maintien de l’ordre, l’application de la loi ou les services n’est respecté si les allégations s’avèrent retenues.
Pour conclure sur une note plus positive, des choses ont bien changé à Val-d’Or depuis le reportage d’Enquête de Radio-Canada. Le dévoilement au grand public de la situation à laquelle font face cette communauté a permis d’installer des caméra vidéo dans les auto-patrouilles, l’embauche de policiers autochtones et de travailleurs sociaux pour appuyer leur travail, une formation complémentaire pour connaître leur réalité a été mise en place et une enveloppe budgétaire d’environ 6.1 millions de dollars a été alloué pour plusieurs projets menés principalement par le Centre de l’amitié autochtone. Par contre, il faut garder en mémoire que le citoyen et les médias ont une influence certaine sur la police et que si comme société nous croyons qu’il faut rectifier la situation, il ne faut pas hésiter à mettre de la pression sur les instances qui ont comme mission de maintenir le contrôle social.
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