Vigipirate : comment un dispositif exceptionnel est devenu permanent

Au début de l’année 2015, Paris a été la cible de plusieurs actes terroristes. Les 7, 8 et 9 janvier se sont déroulés trois attentats visant l’équipe du journal satirique Charlie Hebdo, des policiers et des clients d’une épicerie cacher, et au cours desquelles dix-sept personnes ont été tuées. Suite à ces événements, le gouvernement français a déclenché l’alerte attentat, le niveau le plus élevé du plan Vigipirate. Le plan Vigipirate est un ensemble de mesures ayant pour objectif de protéger la sécurité intérieure du pays. Il comporte deux niveaux :

  • vigilance : cent mesures permanentes, pouvant être augmentées si besoin (vigilance renforcée, d’une durée limitée) ;
  • alerte attentat : deux cents mesures exceptionnelles, mises en place pour une durée très limitée.

Or, depuis maintenant plus trois mois, l’ensemble de la France se trouve en situation de vigilance renforcée, et la région parisienne en alerte attentat.

Afin de déterminer le niveau du plan Vigipirate, l’ensemble des ministères et les Services de renseignement travaillent conjointement. Le risque terroriste est analysé selon deux variables : les menaces et les vulnérabilités. Il est ici question d’analyse actuarielle et de gestion du risque. Cette évaluation relève du renseignement de sécurité, de la prévention des attaques contre le pays. Les données récoltées et traitées visent des objectifs stratégiques, c’est-à-dire qu’elles informent sur l’état de la situation et les priorités. Cela dit, en bout de ligne la sélection du niveau d’alerte se fait au bureau du Premier Ministre.pirte

Parmi les mesures de menace imminente d’attentat du plan Vigipirate, on retrouve divers axes d’action :

  • Activation des cellules de crise (ministères, préfectures, gestionnaires d’infrastructures sensibles…) ;
  • Renforcement du contrôle des personnes;
  • Mise en alerte des capacités d’intervention (services de secours, forces de l’ordre) ;
  • Interdiction de stationnement aux abords des établissements scolaires ;
  • Renforcement des contrôles par l’utilisation de techniques de détection d’explosifs ;
  • Contribution des forces armées à la surveillance.

4621658_6_b0c0_la-description-des-principales-mesures-en-cas_8bd3bc4766adb405dbbaed1661fe73d1

Le renseignement et la surveillance occupent une place centrale dans ce dispositif. Tout d’abord, certains lieux sont identifiés comme plus à risque d’attaque et ‘bénéficient’ donc d’une protection accrue. Environ 20 000 gendarmes, policiers et militaires sont affectés à la sécurité permanente des endroits dits « sensibles », comme les lieux de culte religieux, ou les écoles non-laïques. Leur présence visible vise en elle même une forme de protection, dans le sens où elle est censée produire une dissuasion.

La militarisation de la police est clairement visible à travers plusieurs aspects de cette situation. C’est une militarisation de la mission, où un influx important de personnel militaire s’ajoute à la cohorte de policiers. Le nombre impressionnant d’effectifs déployé permet de réagir rapidement en cas de problème. Selon l’analyse du journal Le Monde, « Il y a aujourd’hui plus de militaires mobilisés sur le territoire français que partout ailleurs à l’étranger. » Plus d’une dizaine de milliers de soldats de l’armée sont sollicités depuis le mois de janvier.

L’important recours aux forces, aux technologies (chiens renifleurs pour détecter les explosifs, par exemple) et aux armes militaires représente bien la tendance en policing. Le renforcement du contrôle des personnes est étroitement lié à l’identification et à la surveillance des individus considérés à risque. Le danger est perçu comme pouvant venir de n’importe où à l’intérieur du pays. Il s’agit d’une menace dite asymétrique, c’est-à-dire provenant d’un citoyen ordinaire, d’où l’importance accordée à aux renseignements permettant de repérer ces individus potentiellement dangereux.

Étant donné le nombre d’attentats contrecarrés depuis janvier, nous sommes en mesure de nous demander combien de temps les mesures exceptionnelles du plan Vigipirate resteront en place. Selon le Premier Ministre français Manuel Valls, «de nombreux attentats ont déjà été déjoués. (…) La menace n’a jamais été aussi importante, nous n’avons jamais eu à faire face à ce type de terrorisme dans notre histoire.»