Prise d’otage mortelle en Turquie

Le 31 mars 2015, en début d’après-midi, deux hommes armés se réclamant d’un groupe marxiste clandestin, le Parti/Front révolutionnaire de libération du peuple (DHKP-C), ont pris en otage un procureur en chef, Mehmet Selim Kiraz. Ce dernier fut pris en otage dans son bureau au palais de justice de Caglayan, dans la partie européenne d’Istanbul.

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Les revendications des militants

Ce parti révolutionnaire de libération du peuple est classé comme organisation terroriste par la Turquie, l’Union européenne et les États-Unis. Il a notamment été impliqué dans l’attentat-suicide commis en février 2013 contre l’ambassade des États-Unis à Ankara.

Les militants de ce Parti exigeaient plus précisément que la police soit traduite devant un « tribunal populaire » pour la mort de Berkin Elvan, un adolescent décédé le 11 mars 2014 après 269 jours d’un coma provoqué par le tir d’une grenade lacrymogène de la police à Istanbul lors d’une manifestation antigouvernementale en juin 2013. De plus, ils menaçaient d’exécuter le procureur si les policiers responsables de la mort du jeune homme au cœur de l’enquête ne faisaient pas « une confession publique ». Le procureur Kiraz, pris en otage, était chargé d’enquêter sur les circonstances de la mort de l’adolescent.

Le président islamo-conservateur turc, Recep Tayyip Erdogan, a précisé que les deux militants, âgés de 28 et 24 ans, étaient entrés au tribunal « revêtus d’une robe » de magistrat ou d’avocat afin de pouvoir cacher leurs armes et pénétrer au sein du tribunal.

Pendant six heures consécutives, la police turque a essayé de négocier avec les hommes armés, en vain. Selon le chef de la police de la capitale turque, Selami Altinok, « tout a été essayé » pour obtenir la reddition sans violence des preneurs d’otages. Face à la non-coopération des assaillants les unités d’intervention de la police sont intervenues et ont donc mis fin à la prise d’otage.

Intervention armée de la police

L’intervention a été décidée après que des coups de feu eurent été entendus dans le palais de justice de Caglayan.

Après une première explosion entendue vers 19h30, une fusillade nourrie avait éclaté à l’intérieur du palais de justice de Caglayan, suggérant une intervention des unités d’intervention de la police contre les preneurs d’otages. Une vingtaine de coups de feu au moins ont été entendus depuis l’extérieur du bâtiment, rapidement enveloppé d’épaisses fumées. Des ambulances se sont pressées aux portes du bâtiment face à l’ampleur de la situation.

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Les deux assaillants ont été tués dans l’attaque, et le procureur, gravement blessé, a succombé à ses blessures peu après.

Face à cette prise d’otage intense, la police turque, le mercredi 1er avril, a interpellé une vingtaine de proches du groupe terroriste à l’origine de la prise d’otage. Ce coup de filet s’est déroulé dans la ville d’Antalya et a visé 22 étudiants soupçonnés de liens avec le groupe.

Selon l’agence de presse Dogan, la police a lancé son raid après avoir reçu des renseignements laissant penser que le DHKP-C préparait d’autres opérations similaires à celle menée au palais de justice d’Istanbul.

La fermeté policière

Le chef de la police d’Istanbul Selami Altinok a dû justifier son intervention quelque peu musclée. Il estime avoir fait « tout ce qui était possible ».

Le Premier ministre, Ahmet Davutoğlu, s’est réjoui de l’issue de la prise d’otage. Selon lui « cette opération a largement atteint son objectif ». Mais quel était l’objectif ? La mort des assaillants et du procureur ? Un objectif quelque peu extrême surtout face aux principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application de la loi qui exigent une certaine retenue dans l’usage de la force et d’user de cette force de manière proportionnée envers la gravité de l’infraction.

Les circonstances de la mort du procureur semblent douteuses, décédé dû à plusieurs balles à la tête et à la poitrine. Une mort qui reste à éclaircir. Une enquête devrait être effectuée par un organisme qualifié avec un rapport détaillé remis aux autorités administratives ou judiciaires compétentes.

Face à la situation tendue qui règne en Turquie, cette intervention n’a pas calmé les tensions entre le gouvernement et la population. Cela va accentuer la violente répression exercée par le gouvernement turc et de la dérive autoritaire. Dès la fin de la prise d’otage des affrontements ont eu lieu dans la nuit du mardi 31 mars entre la police et des manifestants. La police a dû avoir recours aux gaz lacrymogènes et aux canons à eau pour empêcher les manifestants d’approcher d’un commissariat.

Cette situation ne semble pas prête de se calmer…