Manifestation nationale du 2 avril à Montréal : Une analyse de l’intervention policière

Jeudi le 2 avril dernier, environ 135 000 étudiants étaient en grève dans les cégeps et universités de la province. Plusieurs étudiants, parents, professeurs de l’Université du Québec à Montréal, syndicats locaux et membres de groupes communautaires se rassemblent alors en début d’après-midi au Square Victoria à Montréal en vue de manifester contre les mesures d’austérité du gouvernement. Cette manifestation a été la plus importante que Montréal ait connue depuis 2012, avec plus de 30 000 personnes venant de partout au Québec qui se sont mobilisées.

La Presse fournit une chronologie des événements. On rapporte que la manifestation s’est principalement déroulée dans une ambiance festive et pacifique. Les manifestants se sont réunis au Square Victoria vers 13h00 et ont entamé leur marche vers 13h30. Selon cet article, les policiers ont assuré une présence « constante, mais discrète ». L’hélicoptère du Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM) a également été utilisé en vue de fournir une assistance à la surveillance pour les policiers au sol.

Tout au long de la manifestation, les responsables d’édifices à bureau adjacents ont verrouillé leurs entrées et mobilisé leur service de sécurité privée pour prévenir les pertes matérielles qu’aurait pu engendrer une marche d’une telle ampleur.

La manifestation s’est officiellement terminée à 15h30 et la majorité de la foule s’est dissoute au Parc Émilie-Gamelin. Cependant, une fraction du groupe a décidé de poursuivre sa marche jusqu’à l’intersection de Maisonneuve/Amherst, bloquant ainsi le boulevard de Maisonneuve, une artère importante de la ville. Après avoir demandé au moins trois fois aux manifestants de dégager la voie et les avoir avisés de futures arrestations s’ils ne coopéraient pas, les policiers ont décidé de déclarer la manifestation illégale et de procéder à des manœuvres de dispersion. Mis à part des « barricades humaines » de policiers, des gaz lacrymogènes et des avertissements au porte-voix, il semble qu’aucune autre forme de technologie policière non-létale n’ait été nécessaire.

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Selon Radio-Canada le groupe tactique d’intervention (GTI) du SPVM  a été déployé vers la fin de la manifestation afin d’encercler les manifestants à l’intérieur du Parc Émilie-Gamelin pour libérer la rue. Après quelques confrontations, les policiers se sont en allés vers 17h45 et les derniers manifestants ont calmement quitté les lieux.

En somme, la manifestation n’a pas été très turbulente. On ne rapporte seulement qu’un acte de vandalisme de voiture et deux arrestations.

«Il s’agit de la plus importante manifestation sur notre territoire des deux dernières années. Deux personnes ont été interpellées en vertu du règlement municipal P-6, ce qui est peu considérant l’ampleur du rassemblement. L’un pour port de masque, l’autre pour avoir refusé d’obtempérer aux demandes d’un agent de la paix»

– Laurent Gingras, sergent aux relations médias, SPVM

Le règlement sur la prévention des troubles de la paix, de la sécurité et de l’ordre publics, et sur l’utilisation du domaine public (communément appelé Règlement P-6) est un règlement municipal de la Ville de Montréal. Ce règlement stipule, entre autres, que l’itinéraire d’une manifestation doit être remis au service de police au préalable de sa tenue (article 2.1). L’Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante (ASSÉ), l’organisme initiateur de cette manifestation, n’a pas donné leur itinéraire aux policiers, ce qui la rendait, au sens du règlement P-6, illégale, nous raconte le Journal de Montréal dans son article, rempli de photos des événements.

Les policiers ont tout de même été tolérants et ne sont intervenus qu’auprès du petit groupe récalcitrant, environ une heure après que la manifestation ait été déclarée illégale.

D’un autre point de vue, il était tout de même paradoxal de remarquer que certains policiers en service portaient des pantalons de camouflage afin de mettre de la pression sur le gouvernement et leur projet de loi 3 venant modifier leur régime de retraite…

Quelques incidents ont eu lieu dans d’autres manifestations et quelques policiers ont commis des gestes qui excédaient la force nécessaire (Naomie Tremblay Trudeau à Québec par exemple). Cependant, cet extrait vidéo de la fin de la manifestation du 2 avril montre à quel point les policiers doivent être patients avec certains manifestants assez perturbateurs. Dans le feu de l’action, certains accidents peuvent se produire et ceux-ci doivent être entendus devant le Comité de déontologie policière s’il y a plainte.

Évidemment, tous les incidents faits par les policiers (blessures, abus de la force etc.) ne sont pas voulus la grande majorité du temps. Les policiers sont des agents de l’état, ils maintiennent l’ordre et font que la loi s’applique. Dans de tels contextes de manifestations et de remise en question des décisions du gouvernement, il est à se demander si l’amertume de certains manifestants envers nos dirigeants n’est pas projetée sur les policiers, ceux-ci représentant l’ordre, le conformisme et l’état. De surcroît, il est difficile pour les policiers de travailler avec des citoyens indignés qui sont tous réunis pour une cause quelconque et encore plus difficile d’appliquer les principes de la police communautaire et de viser la coopération du public plutôt que la coercition.

Également, dans la vidéo précédente, on remarque la présence de certaines technologies militaires pour aider les policiers à faire leur travail : bouclier, matraque, casque, veste pare-balle etc. C’est un indice de militarisation de la police. Dans de tels contextes, on ne voit plus les non-policiers comme des citoyens, mais davantage comme un ennemi, une menace à la sécurité intérieure qu’il faut neutraliser (ou encore dissoudre). Les manifestations sont notamment l’un des contextes durant lesquels intervient le GTI, escouade policière qui est parfois considérée comme l’élite policière, un autre indice de militarisation.

Finalement, il va sans dire que l’événement a été fortement médiatisé. Les relations police-médias peuvent engendrer des problèmes pour la police, dont ce qu’on appelle un Backfire. C’est le fait de prendre des cas de bavures policières et que les médias en fasse leur choux gras, ce qui peut se produire durant des manifestations, car ce sont des contextes où les policiers doivent réfléchir et agir rapidement, ce qui ne résulte pas toujours en des actes raisonnés.