L’intervention policière auprès de personnes ayant un problème de santé mentale de plus en plus sollicitée

110614_2h1bm_itinerant-maladie-mentale_6Les policiers du Service de Police de la ville de Québec (SPVQ) sont de plus en plus appelés à intervenir auprès de personnes ayant un problème de santé mentale. En 2014, le SPVQ a répondu à 2500 appels d’urgence de ce type, soit l’équivalent de 7 appels par jour. Or, depuis le début de cette année, la moyenne est de 8. À titre comparatif, le Service de police de la ville de Montréal (SPVM) reçoit plus de 30 000 appels par année concernant des situations similaires. Comment les policiers s’adaptent-ils à cette réalité et aux besoins de cette clientèle? Bien que les budgets et la formation des services de police continuent de diminuer, ont leur demande d’en faire plus. C’est pourquoi la ville de Québec a mis sur pied un projet pilote visant a amélioré l’intervention auprès de cette clientèle de plus en plus présente dans le quotidien du service. Si la ville en est à la première année de son projet pilote, Montréal est en avance. Depuis 2012, le SPVM emploie une équipe formée de policier et d’intervenants sociaux pour répondre aux urgences psychosociales. Elle doit notamment intervenir auprès de personnes en situation de crise ou perturbées mentalement. Le SPVM a également mis sur pied un plan d’action stratégique en matière de santé mentale.

Le document met en lumière neuf enjeux reliés aux compétences policières dans le cadre des interventions.

  1. La quantité, la diversité et la complexité de situations rencontrées.
  2. Les données opérationnelles à l’égard de ces interventions.
  3. Les pouvoirs policiers selon les situations rencontrées.
  4. Les modes d’interventions spécifiques à cette clientèle.
  5. L’intégrité physique des personnes mentalement perturbées et des policiers.image
  6. L’évaluation rapide de l’état de la personne et de la situation.
  7. La continuité des services entre les partenaires.
  8. La fluidité des informations entre les partenaires.
  9. La cohérence dans la complémentarité des actions.

Ainsi, puisqu’il peut être extrêmement complexe d’intervenir auprès de gens souffrant de problèmes de santé mentale, les services de police doivent se munir de techniques et de protocoles clairs et précis. Plusieurs villes comme Montréal, New York, Vancouver, Ottawa et Québec emboitent le pas afin d’améliorer la réponse de leurs policiers, car ils sont de plus en plus sollicités. En outre, l’unité de santé mentale d’Ottawa travaille en étroite collaboration avec l’équipe mobile de crise en santé mentale de l’hôpital, qui comprend des psychiatres et des médecins pour assurer le suivi des personnes interceptées. Par contre, ces procédures demandent plus de temps aux policiers qui doivent faire d’autres tâches plus prioritaires et ne peuvent pas toujours faire un suivi.

Jean Minguy, qui est agent de liaison en santé mentale au SPVQ, explique que ce n’est pas tous les policiers qui possèdent les compétences et les aptitudes nécessaires pour travailler avec ces problématiques. Entre autres, les jeunes policiers sortis de l’école manquent souvent d’expérience et veulent être plongés immédiatement dans l’action. Bien que les agents soient au service de la société, ils n’ont pas de formation de travailleur social ou de psychoéducateur. Sans encadrement ni support adéquat, les opérations de ce type peuvent facilement déraper comme dans le cas de la mort d’Alain Grégoire en 2014, le décès de Farshad Mohammad en 2012 et de Mario Hamel en 2011, tous sans abri et souffrant de troubles de santé mentale. L’enquête publique menée suite aux évènements de 2014 recommandait plus de service pour ces gens vulnérables.

140203_8y4wk_police-secours_sn635Contre toute attente, le rapport de la Commission de la santé mentale du Canada soutient que la majorité des organisations policières offrent une formation raisonnable en la matière, mais a tout de même émis une série de recommandations pour faire progresser la situation (utilisation de taser, lutte contre la stigmatisation, contrer l’escalade de la force et approche communautaire). Cependant, le modèle de police communautaire ne fait pas toujours l’unanimité au sein des policiers, qui préfèrent combattre les criminels.

Les services de police au Canada ont 3 missions principales;

  1. Maintenir l’ordre (patrouilles et réponses aux urgences)
  2. S’assurer de l’application de la loi (contrôle de la criminalité et arrestation de suspects)
  3. Service à la population (donner des informations, donner des conseils à la population)

Plusieurs chefs de polices croient que les personnes atteintes de troubles mentaux ont besoin du système de santé et non du système judiciaire (des policiers). Or, les missions de l’application de la loi et de service à la population s’insèrent bien dans le cadre présent. À l’heure actuelle, une personne sur cinq vit de la détresse psychologique. De plus, les recherches indiquent que ces personnes sont plus à risque d’être en contact avec le système de justice pénale. Conséquemment, les policiers seront de plus en plus confrontés à ce genre de situation, sans infraction claire, de victime ou de suspect.

Lorsque les policiers craignent que l’état mental d’un individu présente un danger pour lui-même ou pour autrui, ils peuvent l’amener contre son gré dans un établissement de santé. D’où les partenariats (synonymes de police communautaire) avec les médecins. Cette mesure est mieux connue sous le nom de loi P-38. L’an passé, la police de Québec a appliqué 125 ordonnances du genre.

Comme l’expliquait Sir Robert Peel, il vaut mieux prévenir le crime et le désordre plutôt que les réprimer. Il est important, surtout dans le cadre de ces situations précises, que le développement de la police communautaire se poursuive. Grâce à ces techniques d’intervention, les agents sont plus près de la population et des problèmes sociaux. Ainsi, ils doivent adopter une approche favorisant l’écoute et la compréhension afin de laisser de côté l’attitude de méfiance typique.

Pour conclure, bien que les changements de gouvernement ne favorisent pas la progression des dossiers et des comités de travail sur la question, les acteurs dans les milieux sont proactifs concernant des situations problématiques et sont prêts à trouver des solutions. Les services de police développent de nouveaux modèles d’intervention en collaboration avec les organismes dont le programme d’encadrement clinique et d’hébergement (PECH), et les Centres de santé et de services sociaux (CSSS) pour respecter ses principes. Par exemple, les personnes arrêtées lors d’une crise étaient confiées systématiquement au PECH pour réduire le poids sur le système de santé, mais les coupes budgétaires limitent les interventions du lundi au vendredi seulement.