La NSA veut un accès aux communications chiffrées
Dernièrement, à Washington, le directeur de la National Security Agency a proposé que « la police et les agences de renseignement puissent avoir légalement accès aux communications chiffrées (lorsque) nécessaire ». Mike Rogers souhaite que l’administration américaine s’entende à ce sujet avec les entreprises privées qui, de leur côté, font la promotion de techniques de chiffrement inviolables. Il est d’avis que des compromis avec les entreprises privées sont possibles, et même nécessaires, afin de prévenir et de détecter la criminalité.
Cette demande de monsieur Rogers est en continuité avec le principe du maintien de l’ordre, un des objectifs de la police d’aujourd’hui. On veut offrir un environnement de qualité aux citoyens, faire en sorte qu’ils ne soient pas effrayés à l’idée de sortir de leur maison, et c’est dans ce but précis que l’on détecte et que l’on sanctionne, si nécessaire, les gestes qui sont synonymes de désordre. En effet, cette façon de « faire de la police » survient lorsque le désir du maintien de l’ordre atteint un très haut niveau : celui de la tolérance zéro, une conception selon laquelle tout acte de désordre ou de déviance se doit d’être identifié et empêché, sinon puni. Par cela, la tolérance zéro assure un quadrillage social qui repère davantage d’infractions, et qui mène à davantage de condamnations (Rassart, 2010).
Le but étant le maintien de l’ordre de par la prévention de la criminalité, diverses stratégies sont employées. Se doter des lois et des règlements qui s’avèrent nécessaires est l’une d’entre elles : il faut des textes de lois si l’on veut pouvoir arrêter les contrevenants. Avec cette stratégie vient la surveillance massive, qui est un point clé de la tolérance zéro. Non seulement elle consiste à augmenter le nombre d’effectifs de patrouille préventive, dans une optique de visibilité et de dissuasion, mais elle requiert aussi une augmentation de l’utilisation des technologies de surveillance.
Un bon exemple d’une récente technologie de surveillance s’avère être le Range-R, ce nouveau radar qui permet de capter la respiration et les mouvements au travers des murs, et qui a été présenté ici même sur ce blogue par l’une de mes collègues. Parmi les nombreuses technologies de surveillance se trouve également la cryptologie, cette « science des écritures codées » (Encyclopédie Universalis, 2014). Déjà utilisée à l’époque de l’Antiquité, la cryptologie a souvent été employée pour envoyer des messages secrets en période de guerre.
Or, ce que le directeur de la NSA propose ici, c’est d’utiliser la cryptologie dans un tout autre objectif : celui de la prévention du crime. En effet, on veut éviter « que tel ou tel téléphone crypté soit utilisé à des fins criminelles ou d’espionnage », ce qui découle d’une logique de gestion du risque.
Cette surveillance des communications de la population semble en apeurer plusieurs, qui ne voient pas la nécessité d’être surveillés en permanence. Or, Rogers voit plutôt l’accès aux communications cryptées comme une procédure qui faciliterait le travail des policiers. Selon lui, le maintien de l’ordre passe par une surveillance massive des communications des citoyens. De même, si cette surveillance doit être accompagnée d’interventions immédiates, la police s’engage à agir dès qu’un crime risque de se produire ou d’avoir été produit.
Tel qu’énoncé dans l’article, le directeur de la NSA est donc d’avis qu’il faut trouver un cadre légal qui permette à la NSA d’avoir accès aux communications cryptées des utilisateurs d’entreprises privées. Or, la ligne entre vie privée et sécurité publique est plutôt mince. Et le respect de la vie privée ne fait pas partie de la logique de la tolérance zéro, qui a pour unique but de conserver la paix, la sécurité, l’ordre, dans un quartier.
Et voilà pourquoi nous sommes en droit de nous demander quelle portion de notre vie privée sommes-nous prêts à délaisser dans le seul but d’assurer notre sécurité. Le contrat social de Thomas Hobbes aurait-il pris des proportions démesurées? Reste à voir ce qu’il adviendra de la demande de monsieur Rogers…