Une policière agressée par deux adolescentes en Ontario
Le 17 février dernier, à Brampton, en Ontario, une policière s’est fait agresser violemment par deux adolescentes lorsque celle-ci tentait de procéder à leur arrestation pour intrusion sur le terrain d’une école. C’est un passant qui a filmé la bagarre et qui l’a diffusée sur les réseaux sociaux.
Pendant l’affrontement, l’agente a utilisé du poivre de Cayenne pour reprendre le contrôle de la situation. Les deux adolescentes ont réussi à s’enfuir, mais ont été rattrapées et arrêtées peu après par des renforts.
La policière, qui n’a pas été identifiée, a subi des blessures mineures, affirme l’agente Fiona Thivierge, porte-parole de la Police régionale de Peel. Cette dernière assure aux médias que les policiers sont formés pour face à ce genre d’affrontement et que la policière en question « s’est conduite de façon professionnelle dans une situation du genre ».
Les deux adolescentes verront des accusations portées contre elles. Elles seront entres autres accusées d’intrusion, d’obstruction au travail d’un policier, de voies de fait et de s’être évadées d’une garde légale.
La vidéo a été visionnée des centaines de milliers de fois, certaines personnes ont félicité la policière pour sa maîtrise de soi, alors que certaines autres ont mis en doute sa formation et ses capacités. « Cette femme devrait être renvoyée pour son manque de force physique […] Elle représente un danger pour elle-même et pour le reste de la société », a écrit un internaute.
La fraternité des policiers de Peel a défendu la policière contre les personnes qui se demandaient pourquoi elle n’avait pas sorti son revolver ou un pistolet à impulsion électrique. « Dans les circonstances, elle a fait ce qu’il fallait […] avec ce dont elle disposait alors. Personne n’a été blessé, et les deux personnes ont été arrêtées », estime le président de l’Association de la Police régionale de Peel, Paul Black.
Selon Stéphane Berthomet, analyste en affaires policières, l’âge des individus impliqués n’a pas d’influence sur la réaction de défense que doivent avoir les agents dans ce genre de situation. Il affirme que « c’est une situation qui est extrêmement difficile parce que là, elle est sur le coup d’un acte de violence qui est très agressif. Évidemment, ce qu’il faut faire, c’est résister à employer une force qui serait disproportionnée. »
Alors que certains internautes reprochent à la policière le fait qu’elle n’ait pas utilisé la force, lorsqu’il y a effectivement utilisation de la force, d’autres crient à l’abus de pouvoir.
Depuis quelques années, les téléphones cellulaires ont permis à la population de filmer et enregistrer les agissements des policiers pour ensuite les publier sur les réseaux sociaux, ce qui se produit de plus en plus fréquemment. Souvent, les vidéos les plus visionnées sont celles où on voit des policiers qui semblent utiliser un niveau de force excessif, comme les cas de deux policiers de la Sûreté du Québec (SQ) ou celui de la matricule 728. Il y a même une manifestation mondiale contre la brutalité policière, qui se déroule tous les 15 mars depuis 1997 pour dénoncer l’abus de pouvoir et l’usage de la force démesurée. Or, dans l’article présenté précédemment, l’agente de police s’est abstenue de toute force, n’utilisant que du poivre de Cayenne pour reprendre le dessus sur la situation. Pourquoi les citoyens ne sont-ils pas alors tous contents de voir « enfin » une police utiliser convenablement son pouvoir de force?
Beauchesne, dans son texte Le « combattant du crime », affirme que tant les médias que le pouvoir politique et la police, principalement par le biais de ses syndicats, ont ancré dans la population, et même chez les futures recrues, l’image de ce « combattant du crime » affrontant tous les dangers au nom de la protection de tous. En effet, dans cette conception normative, la police doit protéger les bons citoyens des brigands. Cette pensée s’illustre bien grâce au commentaire qu’un certain internaute a publié, sur le fait que la policière « représente un danger pour elle-même et pour le reste de la société » en ne s’étant pas défendue. Donc, si cette police censée protéger les citoyens n’est apparemment pas capable de se défendre et de vaincre les « criminels », cela crée de l’insécurité auprès des citoyens qui ont besoin d’avoir confiance en la police. Cela peut alors expliquer pourquoi la population générale éprouve un certain inconfort avec le fait que presque aucune force n’ait été utilisée par l’agente en question.
L’insatisfaction de la population peut également s’expliquer par le fait que les policiers ne voient pas leur rôle de la même façon que les citoyens. En effet, le citoyen a des attentes démesurées envers les policiers, car chacun a son propre point de vue sur le niveau de contrôle et la nature des services que devrait produire la police. De plus, la « peur du crime » est influencée par les médias et est difficile à cerner, ce qui accentue le niveau d’insécurité du citoyen et augmente ainsi ses attentes vis-à-vis le rôle du policier.
Tous ces aspects expliquent pourquoi les citoyens ne semblent jamais réellement contents du travail policier. Chacun a sa propre opinion sur ce que devrait être la police, mais cette opinion ne correspond pas nécessairement à leur réalité.