La police de Longueuil enquête sur son propre service

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Une dame du nom de Carole Thomas porte plainte, le 21 octobre 2014, au service de police de la ville de Longueuil, pour agression physique et sexuelle. Lors du dépôt de sa plainte, madame Thomas a rempli une trousse médico-légale et l’a remise aux policiers, mais ce n’est que trois mois plus tard que cette trousse fut analysée. De plus, madame Thomas s’était fait dire par les policiers qu’ils effectueraient un portrait-robot de l’homme qui l’a agressée. Cependant, trois mois plus tard, ce portrait n’était toujours pas été réalisé. Madame Thomas a donc alerté le Conseil du statut de la femme et s’est affichée dans les médias, ce qui a attiré l’attention de la mairesse de Longueuil, qui est intervenue auprès de la police. Par la suite, le chef de police de la ville de Longueuil, M. Desroches, a admis que les délais étaient inhabituels. Il a également fait savoir qu’il ouvrirait une enquête sur son service afin de connaître les raisons pour lesquelles son dossier n’a pas été promptement étudié. (Huffington Post)

Plusieurs choses peuvent être la cause de cette enquête mal gérée. Ça peut être une imputabilité au niveau de l’organisation telle qu’un manque de supervision, ou un manque de formation, mais ça peut également être la cause d’individus, tel que des policiers, que Reiner nommerait porteurs d’uniformes, qui veulent en faire le moins possible et ne s’investissent donc pas à fond dans un cas. La question à se poser, ici, est à savoir si l’enquête que compte mener le chef de police est réellement la bonne manière d’y voir plus clair et de savoir la véritable cause de cette situation.

Afin d’assurer une bonne gouvernance de la police, au Canada, plusieurs modèles de surveillance des activités policières peuvent être utilisés. Le modèle utilisé en réponse à l’insatisfaction de madame Thomas est sous un mode de redevabilité, puisqu’on réagit à un incident survenu. De plus, il est de forme interne, car l’enquête qui sera menée est une enquête interne, ce qui signifie que c’est l’organisation policière qui enquêtera sur son propre service. Dans le monde policier, on retrouve une forte solidarité entre collègues, souvent appelée le « mur bleu », en quelque sorte un code du secret. Cela signifie que les policiers se soutiennent et ne parlent pas l’un contre l’autre, si une erreur a été commise il faut trouver un autre moyen de recueillir des preuves, car la majorité ne dénoncera pas ses collègues.

D’autres options auraient pu être envisagées. La première aurait été d’effectuer une enquête prise en charge par un service de police externe. Bien sûr, le « mur bleu » peut encore être un obstacle, car cette fraternité s’étend bien plus loin qu’aux collègues immédiats. Par contre, on rencontre, tout de même, moins d’obstacles du fait que les personnes menant l’enquête ne côtoient pas, tous les jours, les employés du service enquêté et leur capacité à gérer leur organisation n’est pas en jeu. La seconde option aurait été d’effectuer une enquête de forme civile, mais malheureusement il n’y a pas encore d’institution de ce type mise en place, à ce jour, au Québec. Dans le cadre de la forme civile, c’est une institution indépendante qui effectue l’enquête. Toutefois, un problème persiste dans cette forme d’enquête et c’est que bien que ce soit une institution civile, elle a besoin de la coopération de la police, car elle ne connaît pas le fonctionnement interne d’un service de police. Cela peut causer le même obstacle que celui précédemment mentionné soit l’effet du mur bleu , mais on se rapproche davantage de l’impartialité.

Pour conclure, il est possible d’en déduire qu’aucun système n’est parfait, ils ont chacun leurs failles. Toutefois, à la lumière de ces faits, un modèle surpasse les autres et c’est l’enquête de forme civile puisque la majorité de ceux travaillant sur l’enquête, les employés civils de l’institution indépendante, n’a pas ce sentiment de solidarité que l’on retrouve chez les policiers. Par contre, puisque ce modèle n’est pas encore établi au Québec et que l’enquête porte sur le service de police de la ville de Longueuil, la meilleure solution, dans le cas présent, aurait été de donner l’enquête à un autre service de police. Cela aurait permis d’avoir moins de doute sur la vérité qui en sortirait, à savoir pourquoi le dossier de madame Thomas n’a pas été géré convenablement. Ça aurait également permis d’avoir un meilleur lien de confiance avec la société et probablement, une plus grande satisfaction pour madame Carole Thomas, la victime.