La SQ use d’intimidation envers les journalistes

915722-defense-reputation-policiers-semble-avoirEn octobre 2014, le journaliste de La Presse, Patrick Lagacé, révélait dans un article de quelle façon deux enquêteurs de la Sûreté du Québec (SQ) l’avait convoqué à une rencontre dans le but d’obtenir la source qui l’avait informé quant à l’enquête du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) sur le policier ripou Ian Davidson qui se tramait dans le plus grand des secrets. Rappelons rapidement les faits. À l’automne 2011, le SPVM a ouvert une enquête au sujet de cet ex-policier qui avait tenté de vendre à la mafia la liste des informateurs du SPVM leur faisant ainsi perdre leur couverture. En effet, les journalistes Patrick Lagacé ainsi que ses collègues Fabrice de Pierrebourg et Vincent Larouche ont fait paraître un article en janvier 2012 qui révélait tous les détails de l’enquête concernant une taupe au SPVM et qui identifiait clairement Ian Davidson. Le jour de la parution de l’article, l’ex-policier s’est suicidé.

Au cours de l’automne 2014, Patrick Lagacé a été convoqué à une rencontre dans un café de Montréal par deux enquêteurs de la SQ qui avait obtenu le mandat du Directeur des poursuites criminelles et pénales de tenter d’identifier quelle était la ou les sources qui avait informé les journalistes de l’enquête en cours au SPVM. Dans son article, Patrick Lagacé raconte en détails l’échange verbal entre lui-même et les enquêteurs. Étrangement, on constate que les enquêteurs ont usé de subterfuges et d’intimidation, allant même jusqu’à le menacer d’entrave au travail des policiers s’il révélait la tenue de cette rencontre ainsi que sa raison. Les enquêteurs lui ont offert clairement deux options, soit de révéler la source ou de quitter les lieux sans dire un mot, ce que le journaliste s’empressa de faire. À la suite de cette rencontre, il va s’en dire que le journaliste a révélé la tenue de sa rencontre, mais le plus étrange, c’est que d’autres journalistes en ont également été informés avant même la parution de l’article, laissant croire que Patrick Lagacé avait collaboré avec la SQ.

Est-ce des stratégies d’enquête, des tactiques pour faire parler ou est-ce simplement et purement des menaces et de l’intimidation? Pourquoi faire un tel délire sur les sources des journalistes plutôt que de s’attaquer au réel problème qu’est la corruption et la fuite d’information au SPVM? En quoi est-ce que les sources des journalistes nécessitent une telle mobilisation du travail des enquêteurs de la SQ? Est-ce parce que la source en question n’était elle-même pas supposée révéler d’information sur l’enquête en cours? Dans ce cas, c’est au cœur du SPVM que l’enquête aurait dû avoir lieu. Évidemment, l’information révélée par les journalistes est généralement bien moins rose que la version officielle que nous soumettra l’appareil politique ou la direction du service de police! Néanmoins, est-ce de l’ingérence du politique dans le policier qui va un peu trop loin lorsque c’est l’appareil politique qui « mandate » la SQ pour identifier les sources journalistiques? Et quand la ministre de la Sécurité Publique, Lise Thériault, rétorque que si les journalistes ont des plaintes à formuler, ils n’ont qu’à s’adresser à la déontologie policière, sachant très bien que ce type de plainte ne sera sans doute pas pris au sérieux et tombera entre deux chaises. Est-ce une forme de protection de ces policiers de la SQ qui surveille les arrières de la classe politique au pouvoir?

Le journalisme fait partie des libertés d’expression qui sont protégées par la Charte des droits et libertés de la personne et le simple fait d’intimider les journalistes en tentant de leur faire révéler leur sources d’information, est une forme plus ou moins habile de cacher de la déviance policière version 2015! Plus encore, le Directeur des poursuites criminelles et pénales a même mentionné qu’il n’excluait pas la possibilité de recourir à l’écoute électronique afin d’obtenir les informations souhaitées. Bien que l’État ne soit pas censé s’ingérer dans le policier, n’y a-t-il pas une limite à l’intimidation et aux menaces que peuvent utiliser les policiers? La ministre de la Sécurité Publique aurait-elle dû prendre position clairement quant à la traque effectuée par la SQ pour obtenir les sources journalistiques? À l’ère où l’intimidation est clairement bannie et dénoncée, il demeure tout même surprenant de voir que cela fait partie des tactiques policières pour obtenir des informations. Et bien évidemment, ces deux enquêteurs ne devront certainement pas expliquer leurs agissements en déontologie policière.

Il faut alors se demander quel est le vrai problème. Est-ce qu’un individu possiblement membre des forces policières ait parlé aux journalistes pour leur révéler des informations concernant l’enquête en cours sur le policier corrompu ou est-ce le fait qu’il y avait une taupe au sein du SPVM? Le fait d’obtenir le nom de celui ou de celle qui a parlé aurait-il un impact si important qu’il nécessite qu’on mette tant de pression sur les journalistes? Bien entendu, il y aura toujours de la corruption dans les forces de l’ordre. Encore dernièrement, une policière de la SQ de Québec, qui était agente de filature, a été accusée au criminel pour avoir transmis des indications à son conjoint trafiquant de drogue, informations qui le concernait. Encore là, on ne semble pas s’attaquer au réel problème. Oui, le fait de divulguer des informations confidentielles est un problème de déviance en soit, mais n’est-ce pas un certain conflit d’intérêt lorsqu’une policière entretient une relation avec un trafiquant de stupéfiants? Et dans le cas d’Ian Davidson, quel pouvait bien être les motivations de cet individu à vouloir collaborer avec la mafia en risquant, notamment, la vie de ces informateurs? Bien entendu, si la mafia avait pu mettre la main sur ces noms, ces individus aurait probablement disparu ou été retrouvés morts peu de temps après. Comment peut-on en venir à détester autant son travail pour vouloir faire une chose semblable? Est-ce une désillusion face à ce travail? Selon les informations que le SPVM a transmises, l’appât du gain serait probablement le motif derrière cette « vente » d’informations. Pour un individu qui était qualifié comme étant discret par ses collègues et ses patrons, il est clair qu’ils n’ont rien vu venir. Probablement que l’appât du gain est en effet la motivation la plus plausible et c’est peut-être ce qu’il aurait confié dans la lettre trouvée près du corps de l’ex-policer dans la chambre d’hôtel où il s’est suicidé.

Bref, malgré l’enquête du SPVM et le resserrement de certaines mesures, il n’en demeure pas moins qu’il y aura toujours des policiers corrompus, des gens pour les corrompre et des personnes pour transmettre des informations aux journalistes.