La guerre contre les djihadistes sur les réseaux sociaux
Dans les derniers mois, l’État islamique (EI) s’est mis à utiliser internet et les réseaux sociaux comme de véritables plateformes de recrutement pour leur organisation djihadiste. Leur but ; tenter de recruter le plus grand nombre de combattants, et ce, partout à travers le monde. Leur stratégie ; mettre en ligne des vidéos saisissantes, d’une qualité exceptionnelle, afin que les cibles potentielles soient fascinées par ces scénarios de guerre, et décident de se joindre à l’organisation. Les résultats ; plutôt efficaces. Selon les données du ISCR, (International Center for the Study of Radicalisation and Political Violence), on estime qu’il y aurait aux alentours de 15 000 militants provenant de 80 nations, qui auraient rejoint des sous-unités islamiques dans les derniers mois, de quoi inquiéter les différents gouvernements. Le 21 Janvier dernier, lors du forum international de la cybersécurité de Lille (FIC), le ministre de l’Intérieur de la France, Bernard Cazeneuve, se prononçait d’ailleurs sur l’importance qu’il accordait à ces enjeux de cybersécurité : « Désormais, la lutte contre le terrorisme est devenue une priorité nationale, et particulièrement la lutte sur Internet. »
En France, c’est la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), qui vaque à la protection de la sécurité nationale, l’équivalent du Service canadien de renseignement de sécurité (SCRS) au Canada. Plus précisément, le DGSI est le service de renseignement du ministère de l’Intérieur français. Les tâches de cette Direction générale, se rattachent à de la « haute police » ; prévenir et réprimer toutes formes de désordre pouvant menacer le fonctionnement du gouvernement. Plus concrètement, les principales missions du DGSI, sont le contre-espionnage, la protection du patrimoine économique, la police judiciaire spécialisée et la lutte contre les extrémismes violents. Concernant cette dernière problématique, comme nous avons pu le constater précédemment, la montée en flèche de l’utilisation des réseaux sociaux et de l’internet, a permis une facilitation à la radicalisation extrémiste. D’où le besoin du DGSI de concentrer davantage d’efforts à la prévention et à la répression de la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication.
Comme nous l’informait d’ailleurs l’article de Nadia Lamontagne « Antiterrorisme en France : comment attraper plus de poissons dans le filet de pêche antiterrorisme », la France a récemment adopté une loi visant à resserrer les mesures antiterrorisme. Cette loi adoptée en novembre 2014 a permis de raffermir la répression liée à l’éloge du terrorisme et à la provocation à des actes de terrorisme. Plus précisément, au niveau de ses applications, cette loi permet, par exemple, le blocage administratif des sites internet faisant la promotion du terrorisme, sans devoir passer par un juge. Avec ces nouvelles dispositions, censure, suppression de vidéos et retraçage d’adresse IP sont au rendez-vous. Toutefois, selon les experts, ces mesures dites « négatives » ne sont pas nécessaires, voire même insuffisantes, puisque la fermeture d’un site internet/compte entraîne éventuellement l’ouverture de dix nouveaux sites/comptes. Bref, tenter de supprimer tous les propos, vidéos ou sites extrémistes s’avère être une tâche ardue, voire même impossible.
Face à l’inefficacité probante de ces mesures dites « négatives», le gouvernement français a décidé qu’il allait poursuivre sa lutte contre la propagande djihadiste et l’embrigadement de nouvelles victimes, mais cette fois, en modifiant son approche. Il vise dorénavant des mesures dites « positives » ; répondre à la propagande plutôt que de la censurer. Depuis donc mercredi dernier, le 28 Janvier 2015, le gouvernement a ouvert un site internet contre le djihadisme. L’idée est de contrer la propagande djihadiste en ligne, en dissuadant les personnes qui seraient susceptibles de passer à l’acte, et en offrant de l’aide aux proches de ces personnes tentées de s’impliquer dans des organisations terroristes. Le site web est divisé en quatre catégories ; comprendre la menace terroriste, l’action de l’État, décrypter la propagande djihadiste et les moyens de mobilisation citoyenne.
Un site internet comme celui-là peut possiblement aider à prévenir les actes terroristes, l’une des missions du DGSI. Cependant, nous n’avons d’autres choix que de se questionner de l’efficacité réelle d’une telle mesure. Est-ce qu’un simple site internet dictant aux gens de ne pas s’embarquer dans des organisations terroristes peut véritablement dissuader les potentielles victimes à ne pas s’engager dans des organisations comme telles ? Les avis sont partagés. L’idée du site dissuasif demeure une bonne initiative, mais personnellement, je suis bien loin d’être convaincue qu’engager la guerre sur le net soit une mesure efficace. Au contraire, il me semble évident que répondre à la propagande ne fera que lui conférer davantage de visibilité. L’engagement de la France dans cette guerre internet, perte de temps ? Partie perdue d’avance ?