Waze : une application qui nuirait au travail des policiers
Une application de Google fait maintenant l’objet de plus en plus de mécontentement de la part des services de police de Los Angeles et de New York. Afin de mieux saisir ce mécontentement, il est important de comprendre les fondements de cette application. L’application Linqmap fut créée en 2008 en Israël par Uri Levine, Ehud Shabtai et Amir Shinar. L’idée première était de créer une sorte de GPS plus complet que les cartes disponibles d’Israël. Son nom changea ensuite pour Waze et l’application fut rachetée par Google le 11 juin 2013 pour la modique somme de 966 millions. Le but de cette application est d’offrir à ses usagés la meilleure route à prendre à l’aide des informations reportés par d’autres utilisateurs sur celle-ci. Les utilisateurs de Waze consentent donc à donner leur vitesse et leur position GPS afin de permettre à l’application de constater les variations dans leur vitesse, les avertir le cas échéant et leur proposer un nouvel itinéraire si possible. La clé de cette application est la contribution des citoyens à maintenir la cartographie à jour que ce soit en changeant un nom de rue ou en affichant le prix de l’essence d’une station-service par exemple. Des données de 2012 révélaient que Waze étendait sa cartographie dans 110 pays à travers le monde, donc il est possible d’imaginer que ce chiffre n’a fait qu’augmenter avec les années. De cette façon, un automobiliste peut éviter les ralentissements, un accident venant d’avoir lieu, des travaux ou simplement une police faisant du radar.
La question des radars de police et de l’emplacement de ceux-ci est l’un des services les plus recherchés par les utilisateurs de Waze et lui a valu une grande popularité. Cependant, cet aspect de l’application ne semble pas offrir autant d’avantages aux services de police qui tentent quotidiennement de faire leur travail. Selon un article publié dans Mashable, il suffit de penser aux évènements ayant eu lieu en décembre dernier alors que deux policiers en service à New york se sont fait assassiner par un homme, qui, selon The Associated Press, aurait publié sur Instagram une photo de l’application Waze montrant l’endroit où se trouvait les deux policiers. Par contre, il n’a pas été prouvé que l’homme en question se serait servi de l’application pour coincer les deux policiers, mais il n’en demeure pas moins que le blâme repose sur celle-ci selon les services de police de New York.
Le Shérif Mike Brown de Bedford a ensuite demandé à ce que Google retire la fonction impliquant la police dans son application afin qu’il n’y ait plus de danger pour les officiers en service. De plus, le chef de la police de Los Angeles, Charlie Beck, a écrit une lettre exprimant que Waze mettait en danger la vie des policiers des États-Unis et que les évènements de décembre passé ne faisaient que confirmer ce danger. Malgré ces demandes, la fonction comprenant la position des radars de police est la plus populaire sur Waze et sa suppression pourrait faire gravement chuter le nombre d’utilisateurs de celle-ci. Google affirme même que l’application travaille avec les services de police et non contre ceux-ci.
Il y a donc ici certaines réflexions qui peuvent être mises de l’avant en ce qui concerne Waze et son effet sur le travail des policiers au quotidien. Sachant que Waze informe les citoyens sur l’emplacement des policiers sur leur territoire, faudrait-il changer la façon dont ceux-ci patrouillent? Devraient-ils tenir compte des informations qui sont fournies afin de surprendre le citoyen d’une façon différente? Il est difficile pour la police de maintenir l’ordre si le contact avec le citoyen est inexistant. Par exemple, pour donner une contravention, il faut être témoin de l’acte qui va à l’encontre du Code de la route. Si le policier ne croise pas le citoyen, il ne pourra pas voir l’acte en question. Cet exemple extrême illustrant l’utilisation de Waze par chaque citoyen, montre qu’étant donné la nature réactive et non proactive du travail des policiers, le manque de coopération de la part des citoyens peut devenir un grave problème dans le travail quotidien de la police.
L’application ne semble pas encore être présente au Canada, mais étant donné son expansion, il ne faudrait pas être surpris si cela devait se produire et il est intéressant de se demander quel effet Waze aurait sur notre modèle policier. Sachant qu’au Canada notre modèle concernant la police tient plutôt du modèle britannique de la «police consensuelle», une application comme Waze viendrait à l’encontre de celui-ci puisque le citoyen travaillerait à sens contraire plutôt qu’avec le policier. Pendant que les policiers se concentreraient sur la surveillance et la prévention pour répondre au besoin de sécurité émis par la population, Waze viendrait briser cette sécurité en permettant aux personnes de contrevenir à la loi sans se faire prendre étant donné qu’ils connaîtraient précisément l’emplacement des ressources policières sur le territoire. Le travail des policiers deviendrait donc une sorte de chasse à l’homme ou les contrevenants auraient un avantage majeur. L’évolution de cette application mérite donc d’être suivie avec attention afin de savoir si les services de police de New York et de Los Angeles auront raison de Waze.