Une police loin d’être pour la « communauté »

Le 31 mars 2013, les ententes de financement tripartites, incluant le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et les collectivités autochtones, sur le maintien d’un corps policier dans les communautés autochtones sont venues à échéance et voient leurs organisations policières menacées. Cette menace est effectivement venue à exécution pour la réserve d’Obedjiwan. Le 2 avril 2013, les policiers attikameks étaient désarmés et la sécurité du territoire était remise aux mains de la SQ.

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Les gouvernements ont un rôle très important à jouer dans le maintien de l’ordre de la société parce que c’est eux qui octroient les budgets aux organisations. Cependant, cette décision de mettre fin aux opérations de la police attikamek est contraire aux conclusions des rapports demandés par ce même gouvernement et les dispositions qui ont été mises en place par la suite.

Voici un petit historique de la situation pour bien comprendre. En 1967, un rapport portant sur l’application de la justice pénale en milieu autochtone dénote les difficultés d’assurer la protection et l’ordre dans les communautés en raison du contexte politique, social, économique et juridique. Les auteurs du rapport recommandent la mise sur pied de services policiers spéciaux et décentralisés tout en encourageant la participation des Autochtones à ces services.

En 1990, un Rapport du Groupe d’étude sur le maintien de l’ordre dans les réserves indiennes montre que les Premières nations n’avaient pas accès aux mêmes modèles de services de police que les collectivités non autochtones, et que l’accès aux services de police d’une bande à l’autre était inéquitable. C’est pour donner suite à ce rapport qu’une politique fédérale sur les services de police des Premières nations est adoptée.

En 2010, Sécurité publique Canada a effectué une évaluation du programme des services de police des Premières nations pour étudier la pertinence et le rendement du programme. L’évaluation a mené à la conclusion que le programme est adapté aux désirs du gouvernement du Canada qui souhaite « assurer la sécurité des Canadiens », et que les principes du programme sont toujours appropriés. Les collectivités inuites et des Premières nations ont encore besoin des services de police professionnels, efficaces, adaptés aux particularités culturelles des collectivités visées et redevables envers elles.

C’est une situation très complexe qui s’opère dans la communauté attikamek parce qu’on est face à un très haut taux de criminalité qui nécessite une intervention policière immédiate sur les lieux d’un crime. C’est dans cette optique qu’en vertu de la Loi sur la police, article 93, chacun des membres d’un corps policier autochtone est chargé de maintenir la paix, l’ordre et la sécurité publique dans le territoire pour lequel il est établi, de prévenir et réprimer le crime, exactement comme les autres policiers dans l’article 48.

Cependant, il est difficile de prévenir le crime et maintenir l’ordre avec des policiers qui ne sont pas adaptés à la situation. Il est d’autant plus laborieux d’établir un lien de confiance et de coopération avec des citoyens d’une autre culture quand on ne comprend pas la langue. De plus, la barrière linguistique empêche la transmission d’informations au citoyen qui serait nécessaire à l’éducation du citoyen par rapport à sa responsabilité dans le contrôle social. Ce sont des caractéristiques propres au modèle de police communautaire qui viennent d’être énoncées et qui sont très populaires comme on peut le lire dans SPVM-Lancement du plan stratégique en santé mentale 2013-2015, Opération charme auprès de musulmans, Policier ou « super » policier? et Les brigades à vélo du SPVM s’exportent en Haïti, mais qui sont difficilement applicables à cette situation. En plus de cela, en supprimant le corps de police de cette communauté, on s’en éloigne encore plus et on est aussi très loin du concept de police de « proximité » à proprement dis quand on pense que le poste de police de la Sûreté du Québec le plus proche se trouve à cinq heures de route. Semble-t-il que la dernière fois que la SQ a pris le contrôle des opérations policières à Obedjiwan, en 2005, la situation avait dégénéré et des coups de feu avaient été tirés en direction du poste de police.

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Le 31 juillet 2013, après seulement 4 mois de service dans la communauté d’Obedjiwan, la SQ se retire. Selon le chef du conseil de bande Christian Awashish, la SQ n’arrivait pas à offrir des services adaptés à la communauté et cette dernière réclamait le retour des policiers autochtones. Les gens de la communauté qui devrait être des clients de la police étaient mécontents de la qualité des services rendus à cause de la culture différente, la barrière de la langue et la méconnaissance de l’endroit. C’est ce qui a poussé le conseil de bande à accepter l’offre de financement qu’il considère insuffisante pour une couverture policière satisfaisante, mais qui sera, cependant, adaptée à la communauté.

Je crois qu’il est du devoir du gouvernement d’offrir à chaque citoyen la possibilité d’être convenablement protégé et c’est pourquoi il devrait toujours prendre conscience des conséquences reliées à l’imposition d’une police inadaptée culturellement. Par le même fait, il doit accorder les ressources nécessaires à la constitution d’un corps policier adapté surtout si ce dernier est simplement désireux de maintenir la paix et l’ordre en harmonie avec les principes policiers d’actualité.