Bilan de la GRC sur la lutte contre la traite des personnes

La traite de personne à des fins sexuelles ne vient pas spontanément à l’esprit quand on parle de criminalité au Canada, pourtant elle y est très répandue. Au Québec, c’est à Montréal qu’on en retrouve le plus. Il y a d’ailleurs eu une grande vague d’arrestations, par la police de York en Ontario, suite au projet « home for Christmas », qui visait à permettre à plusieurs victimes d’être de retour chez elles pour Noël. Plus récemment encore, le Centre national de coordination contre la traite de personnes, qui fait partie de la Gendarmerie Royal Canadienne, a publié un rapport d’évaluation résultant de son projet Safekeeping.

Safekeeping est une initiative de la GRC pour recueillir de l’information et du renseignement sur tout ce qui touche à la traite pour l’exploitation sexuelle. Il s’agit : « d’une évaluation de la traite interne de personne à des fins d’exploitation sexuelle au Canada ». Le rapport paru le 16 avril 2014, dresse entre autres, le portait des trafiquants et de leur modus  operandi, ainsi qu’un aperçu des caractéristiques des victimes. L’objectif premier du Centre est d’être : « le point de liaison aux organismes d’application de la loi qui cherchent à réprimer les activités des personnes et des organismes criminelles qui se livrent à la traite de personnes ».  Bien que le centre existe depuis 2007, ce n’est qu’en 2012, avec le Plan d’action national de lutte contre la traite de personnes, que le gouvernement s’engage à s’impliquer dans la lutte contre la traite de personnes. Des enquêtes autant fédérales, provinciales que municipales peuvent être réalisées en recourant à diverses techniques comme l’infiltration et la surveillance électronique. Le Centre travail aussi en partenariat avec plusieurs agences et organismes pour recueillir du renseignement, notamment le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada, qui a comme mandat de signaler toutes transactions financières suspectes.

Comme mentionné précédemment, le renseignement est une partie très importante de leurs activités. On parle bien sûr ici de renseignement criminel, au sens où les informations portent sur un sujet en particulier, la traite de personnes.  Ce sujet constitue la première étape du cycle  de renseignement, à savoir l’identification de priorités pour l’enquête telle : les auteurs, les endroits, les méthodes, etc. La deuxième étape est la collecte,  qui se fait par des sources fermées, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas accessibles  au public, et majoritairement humaines, par des témoignages, infiltrations, écoutes, etc. L’étape de l’analyse est très importante, car il faut trier l’information en lien avec les priorités et en dégager des hypothèses ou conclusions. Finalement, il faut diffuser cette information, ici cette étape passe par la publication du rapport sur le projet Safekeeping. Dans le but de sensibiliser les gens à cette problématique, il est accessible pour le public et présenté simplement pour rejoindre le plus de gens possible. Le renseignement que le Centre possède peut servir à divers niveaux; soit tactique, c’est-à-dire relatif aux enquêtes, afin d’acquérir de l’information sur les modus operandi, les réseaux criminels, etc., soit stratégique, c’est-à-dire permettant d’orienter les priorités, les politiques et pratiques policières, notamment sur l’état de la situation et son évolution, identification de menaces, etc.

Dans son engagement de 2012, le gouvernement a aussi prévu la création : « d’une équipe intégrée spécialisée, dirigée par la Gendarmerie royale du Canada, pour réaliser des enquêtes proactives sur la traite de personnes ». Il mentionne également la collaboration de la GRC avec l’Agence des services frontaliers, les services de renseignements criminels et les services de police provinciaux et municipaux. De plus, afin que les responsables de l’application de la loi soient mieux équipés pour réagir à ces situations, la GRC prévoit offrir des formations spécialisées à ses cadets et ses membres actifs.

Deux ans après le Plan d’action national, cette équipe spécialisée n’a toujours pas été implantée au Canada, et les enquêtes sur la traite de personnes pour l’exploitation sexuelle ne possèdent toujours  pas la place qu’elles méritent au sein des priorités. Le Rapport du projet Safekeeping nous donne quelques pistes pour comprendre les difficultés qui y sont liées. D’abord, l’élément le plus important est la coopération de la victime et il faut un temps très considérable pour que le policier ou l’enquêteur puisse obtenir la confiance de celle-ci. Ensuite, les coupures budgétaires, qui ont d’ailleurs été abordées par d’autres collaborateurs, font en sorte que les effectifs sont limités et donc qu’ils sont affectés à d’autres priorités qui demandent moins de temps. Le rapport note aussi que plusieurs policiers et même des procureurs ne sont pas au courant des dispositions de la loi à cet effet et qu’ils vont souvent diriger leurs actions vers d’autres crimes plus connus. Le résultat de tous ces éléments est que plutôt que de procéder à des enquêtes proactives pour intervenir avant que les événements ne se produisent, les enquêteurs doivent se contenter de l’enquête classique, c’est-à-dire réactive.