Déviance policière: le cas d’un haut fonctionnaire de la police parisienne

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La corruption, nous le savons bien, est un phénomène ayant toujours été présent dans les sociétés, et ce, sous plusieurs formes et qui touche différents milieux. Lorsqu’on pense aux policiers, il y a certains endroits qui nous viennent en tête où la corruption est plus courante qu’ailleurs, voire même normalisée. Ce sont surtout des endroits où l’industrialisation et la pensée capitaliste sont moins présents. Toutefois, même dans les pays industrialisés, surveillés de près et où des institutions sont implantées pour contrer ce phénomène, la corruption se produit tout de même. C’est le cas d’un pays vu comme étant l’un des plus vertueux lorsqu’on parle de corruption : la France, plus précisément Paris. En effet, un haut fonctionnaire de la Préfecture de police de Paris a fait l’objet d’une mise à vue pour corruption le 5 février 2014. Cet homme, Jean-Yves Adam, était un contrôleur général, soit un des grades les plus élevés du corps des commissaires de la police parisienne. Il était chargé de gérer le 1er district de Paris, lequel compte 2 000 policiers et huit arrondissements.

M. Adam avait déjà une mauvaise réputation : il n’était pas apprécié de tous, décrit comme ayant une personnalité « diabolique » et des comportements questionnables. Ce haut fonctionnaire occupait le poste de Patron du 1er district depuis neuf années, ce qui est anormalement long et suscitait des interrogations chez plusieurs personnes. Celles-ci n’ont pas été étonnées de ces accusations, puisque des rumeurs circulaient à son sujet, lesquelles portaient sur la possibilité qu’il commettait des actes corrompus. Le fait qu’une personne occupe aussi longtemps un tel poste insinuait des relations malhonnêtes et M. Adam était accusé d’être un peu trop près de l’équipe de Sarkozy. En fait, Jean-Yves Adam avait été monté de grade par le président Sarkozy à l’époque. En décembre 2013, un nouveau directeur de la sécurité publique parisienne entra en poste et voulut renouveler les cadres. Plus spécifiquement, il voulait libérer le poste de patron du 1er district, étant donné tous les ragots qui circulaient. Le contrôleur général Adam fût libéré de son poste et fût nommé chargé de mission. Le fonctionnaire Adam a été résistant face à ces changements.Image

C’est au mois de septembre 2013 qu’une source anonyme dénonçait M. Adam. Sur les ordres d’un juge parisien, les enquêteurs de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), la « haute police », pour répéter les propos de Jean-Paul Brodeur. Cette unité est l’équivalent du CSARS au Canada, mais, elle, surveille les actions policières, et non pas les responsables du renseignement de la sécurité nationale. Bref, une équipe de l’IGPN a été chargée d’ouvrir une enquête sur M. Adam le 21 novembre 2013, considérant que les soupçons qui pesaient contre lui étaient de plus en plus solides. Ce n’est que le 5 février 2014 qu’il fut arrêté et interrogé par ses collègues de l’IGPN. Son domicile et son bureau ont aussi été perquisitionnés. Il a ensuite été libéré sous conditions après avoir nié toutes les accusations et a dû payer une caution de 10 000 euros. Désormais, il ne peut plus exercer sa profession de fonctionnaire dans la police et ne peut plus quitter le pays.

Le haut gradé est soupçonné de corruption active et passive, violation du secret professionnel, recel et banqueroute pour dissimulation d’actifs. Il est même accusé d’avoir utilisé ses relations privilégiées de haut niveau pour se protéger. Les enquêteurs d’IGPN visent particulièrement deux types de délits : des annulations de contraventions et une utilisation illégale de fichiers de police.

Les accusations de corruption active et passive concernent des annulations de contraventions. Cette forme de corruption, selon M. Punch, est appelée « faire disparaître ». En effet, il paraîtrait que M. Adam ait annulé des contraventions pour des voituriers et des compagnies de location de véhicules. Un enquêteur affirme qu’il y a « des opérations entre des sociétés de courses et de location de véhicules basées dans le sud-est de la France qui posent problème ». Lorsqu’on s’y attarde d’un peu plus près, le commissaire était un passionné de la course automobile et était, lui-même, pilote. Il connaissait donc évidemment plusieurs personnes dans le milieu de la course automobile, autant des pilotes que des dirigeants. Pour ce qui est du chef d’accusation de violation du secret professionnel, celui-ci concerne l’utilisation illégale de fichier de police, probablement encore en lien avec sa passion pour les courses automobiles. Il aurait possiblement utilisé son titre pour accéder à des informations privilégiées pour ensuite les fournir à ses relations. Toujours selon Punch, deux formes de corruption apparaissent, soit la « mauvaise conduite » qui est de violer les règles internes de l’organisation et la «criminalité policière », laquelle se traduit par le fait de profiter de sa position pour violer la loi.

Le chef d’accusation de banqueroute est un terme français qui désigne une infraction pénale dans le code du commerce. Il s’agit, pour une organisation, de gérer ses comptes de manière frauduleuse, alors qu’elle était en état de cessation de paiement. La banqueroute est due à des actions dans le but d’aggraver volontairement sa situation financière, et ce, en dépit des responsabilités et des engagements que la personne responsable a envers des personnes ou des institutions. Les faits reprochés au fonctionnaire de la police parisienne sont d’avoir dissimulé à des créanciers les actifs de certaines compagnies de courses automobiles en liquidation judiciaire.

En plus d’avoir des contacts suspects dans le milieu gouvernemental et des courses automobiles, M. Adam a des liens d’amitié avec des policiers francs-maçons. En fait, le haut fonctionnaire était un membre de la Grande Loge Nationale Française (GLNF), qui est une forme de confrérie. M. Adam était l’Assistant Grand Porte-Glaive qui, dans les cas de justice interne de l’association, il tenait le rôle de procureur. Cela dit, il n’était pas un membre de base. Un collègue de Jean-Yves Adam, aussi haut fonctionnaire de la police parisienne, affirme qu’il a pu échapper aux poursuites judiciaires pendant plusieurs années grâce à ces liens d’amitié qu’il avait qualifiés « d’amitiés fraternelles ». Il est logique de croire que l’on défend toujours un frère, surtout dans une organisation telle que la GLNF.

Jean-Yves Adam représente bien le concept de déviance policière. Ce dernier peut être qualifié d’« herbivore », pour reprendre les termes de la commission Knapp (1967) qui avait distingué deux grands types de corruption policière. Ce sont les policiers qui acceptent des cadeaux sans grande importance à première vue, mais de façon systématique. Il fait l’objet de corruption typique, qui est d’accepter de poser des actes en violation de son devoir. Il est logique de croire que ce fonctionnaire ait agit de la sorte en échange de quelque chose. Soit des rémunérations ou bien des privilèges comme, par exemple, avoir été promu au titre de Patron du 1er district. L’enquête n’est pas encore au stade de connaître les raisons de ses agissements, ni des avantages qu’il bénéficiait.

 

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En tant que citoyens, nous percevons les policiers comme étant des personnes qui luttent contre le crime et, de ce fait, qui ne violeront pas les lois. Évidemment, il est raisonnable de penser ainsi, toutefois, ces perceptions sont forgées par les médias. Ces derniers influencent l’opinion publique du système de justice pénale et des policiers comme ils le veulent. Lorsqu’une nouvelle comme celle-ci sort au grand jour, les citoyens sont choqués et leur confiance en les policiers se voit grandement diminuée. Évidemment, la corruption est chose courante (mais les médias ne parleront que des cas sensationnels) dans notre société d’aujourd’hui, même si plusieurs formes de surveillance sont mises en place pour la contrer (technologies de surveillance, institutions, etc). La corruption a toujours existé, existe encore et existera probablement à jamais…

 

http://www.lexpress.fr/actualite/politique/corruption-en-france-le-niveau-de-defiance-des-citoyens-monte_1304800.html

http://www.franceinter.fr/depeche-le-commissaire-adam-mis-en-examen-pour-corruption?page=40

http://www.20minutes.fr/societe/1291982-20140206-corruption-jean-yves-adam-policier-juge-trop-indulgent

http://www.liberation.fr/societe/2014/02/09/un-flic-pas-range-des-voitures_978969

http://www.lemonde.fr/societe/article/2014/02/05/un-cadre-de-la-police-parisienne-soupconne-de-corruption-en-garde-a-vue_4360802_3224.html

http://blogs.lexpress.fr/lumiere-franc-macon/2014/02/07/glnf-garde-a-vue-de-lassistant-grand-porte-glaive/

http://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/mise-en-examen-de-jean-yves-adam-haut-fonctionnaire-de-la-police_1321574.html