Israël, le sixième oeil ?
Le scandale des écoutes de la NSA dure depuis plusieurs mois, mais chacun de ces derniers apporte son nouveau lot d’information. Le 11 septembre 2013, on apprenait dans un article du Guardian qu’Israël était le partenaire non anglophone le plus étroit des agences de renseignement américaines. L’État hébreu, du fait de sa position stratégique au Moyen-Orient, aurait signé un accord avec la NSA de l’administration américaine, ce dernier prévoirait l’échange d’information de sécurité et une étroite coopération dans le domaine du renseignement de sécurité et militaire. On peut se poser la question suivante: Israël est-il devenu le sixième œil de ce qu’on appelle les Five-Eyes ?
Les Five-Eyes étaient à l’origine un accord datant du 5 mars 1946 entre les États-Unis (NSA) et la Grande-Bretagne (GCHQ) que l’on appelait «UKSA agreement». L’échange de renseignement entre les deux pays avait été important pendant la seconde guerre mondiale, face à la menace de l’URSS et d’une nouvelle guerre, les deux pays avaient besoin de s’échanger des renseignements stratégiques. L’accord prévoyait une coopération des deux pays dans l’interception des communications dans une logique de guerre (qu’on appellera la Guerre froide), une standardisation des méthodes et des procédures et une organisation commune pour les services. Il s’agit pour résumer de se partager les informations et d’harmoniser les procédures pour faciliter le traitement des renseignements. Avec l’indépendance des anciens dominions anglophones de l’Empire Britannique: Canada avec le (CSTC), Australie (AD), Nouvelle-Zélande (GCSB), l’accord bilatéral est devenu un accord à cinq pays anglophones en 1955: les Five-Eyes (les cinq yeux en français). Une des conditions de l’accord était que les pays ne devaient pas s’espionner entre eux et éviter la collecte d’informations sur leurs citoyens respectifs. L’organisation collecta différents renseignements durant toute la guerre froide venant de pays non anglophones.
Avec l’effondrement de l’URSS en 1991, l’alliance s’est réorientée vers la lutte antiterroriste, le renseignement sécuritaire et la prolifération des armes nucléaires. Se pose alors une question légitime, quels genres de renseignements ? Il s’agit pour la plupart de renseignements de sécurité (menace terroriste, profils suspects) ou militaire, par exemple le programme nucléaire en Iran ou en Corée du Nord. Comme on peut s’en douter, le renseignement est collecté par des sources fermées (par exemple les ambassades) comme au bon vieux temps de la Guerre froide. Les données récupérées peuvent être de plusieurs types: HUMINT (renseignement humain), SIGNINT (renseignement technologique: courriel, stockage informatique, métadonnée) ou de simples documents d’analyse sensibles. Ces renseignements sont collectés par chacun des pays membres de l’alliance et peuvent être échangés entre les différentes agences de renseignement suivant l’intérêt qu’ils ont pour chacun des pays. Ces renseignements visent des objectifs soit tactiques à court terme (pratique d’un point de vue opérationnel concernant des réseaux criminels, terroristes, source de financement, idéologie), soit stratégiques à long terme (cela permet de prévoir le comportement politique d’un État sur la scène internationale, les évolutions du milieu criminel, les menaces à l’ordre public). L’organisation est restée assez secrète puisque de 1946 à 1999 elle est restée secrète, cette année-là, un article du Guardian divulguait son existence.
Les révélations de l’ancien analyste de la NSA Edward Snowden ont émis de nouvelles informations concernant les Five-Eyes (espionnage d’ambassade par la NSA, participation des services canadiens aux collectes de métadonnées…) et particulièrement sur leur collaboration étroite avec l’État d’Israël. Israël a une position géographique stratégique pour les États-Unis, un bout d’occident en pleine poudrière du Moyen-Orient, une région ou terrorisme et matières premières occupent les esprits.
Dans un article du 8 juillet 2013 du journal allemand Der Spiegel; Edward Snowden répond à la question du journaliste concernant une possible participation d’Israël à l’espionnage réalisé par la NSA «Yes, all the time. The NSA has a massive body responsible for this: FAD, the Foreign Affairs Directorate». Allant même jusqu’à dire que le virus Stuxnet était une création Américano-Israélienne: «NSA and Israël co-wrote it». The Guardian dans un article du 11 septembre 2013 parle lui aussi de la coopération entre les services de renseignements américains et israéliens évoquant un accord de mars 2009 sur le partage des informations collectées. Pour Slate, ces dernières iraient de la Syrie jusqu’à la Chine en passant par le programme nucléaire iranien qui est une menace pour la sécurité d’Israël. La relation serait privilégiée entre l’administration américaine et les services de renseignements israéliens, la seule relation tierce privilégiée de contre-terrorisme. La coopération passerait aussi par la mise au point d’attaques informatiques conjointes sur des objectifs sensibles comme des installations nucléaires iraniennes. Seulement un des problèmes serait qu’Israël utiliserait aussi ces renseignements portant sur des citoyens américains, chose que ne font pas les autres pays anglophones.
En matière de renseignement pour la NSA, il n’y a pas d’alliés. On apprenait par la même occasion qu’Israël espionnait aussi les États-Unis: «In another top-secret document seen by the Guardian, dated 2008, a senior NSA official points out that Israel aggressively spies on the US». Le document du Guardian provoque aussi quelques surprises, on apprend que les menaces d’agences extérieures contre les intérêts américains ne concernent pas seulement les israéliens mais aussi la France «There are also a few surprises…France targets the US DoD throught intelligence collection, and Israël also targets us». Paradoxalement, Israël serait aussi une menace à certaines occasions pour les États-Unis au Proche-Orient, elle mènerait son propre jeu…
Malgré les atouts que peut-être Israël pour les États-Unis d’Amérique, il paraît donc excessif de qualifier Israël de sixième œil de l’organisation. Pour cause, peu d’agents anglais ou canadien se sont fait prendre sur le territoire américain pour espionnage à l’inverse d’Israël.
Cela ne veut pas dire qu’il n’y en a pas…