Violence conjugale : hésitations et inaction

En août 2010, Marie Altagracia Dorval, 28 ans et mère de trois enfants, loge un appel au 911 en criant haut et fort que son ex-conjoint voulait la tuer. En septembre 2010, elle recontacte le service de police à diverses reprises pour leur faire part de ses craintes quant au caractère violent de son ex-conjoint. Le 11 octobre, la femme de Montréal dépose formellement une plainte pour harcèlement en affirmant qu’Edens Kenol, l’ex-conjoint en question, menace sérieusement sa vie. Une semaine plus tard, le corps de Marie Altagracia Dorval est retrouvé sans vie dans son appartement de Montréal-Nord.

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Chose certes, Altagracia Dorval n’a pas crié au loup pour rire des villageois. Le loup était bel et bien dans les parages. Kenol est aujourd’hui derrière les barreaux, purgeant une peine à vie avec la possibilité d’obtenir une libération conditionnelle en 2038.

Soulevant un tollé dans la presse en octobre 2010, le meurtre d’Altagracia Dorval a fait ouvrir une enquête interne au SPVM afin de découvrir comment cela a pu se produire. De son côté, la famille de Marie Altagracia Dorval a décidé d’entreprendre des procédures à l’encontre de la Ville de Montréal en requérant un montant de 684 000$.

Au début du mois de mars de la présente année, les avocats de la Ville de Montréal ont été entendus en cour dans la poursuite qu’a menée la famille Altagracia Dorval. Alors que les accusations portées par la famille en sont de négligence dans le dossier, les avocats représentant le SPVM se défendent d’avoir commis une faute sans pour autant avouer et reconnaître le tort du Service de police. Ceux-ci affirment que même s’ils avaient agi, les recours dont disposent les policiers n’auraient pas permis d’empêcher un tel crime entre le 11 octobre, date de la plainte officielle de la défunte, et le 17 octobre 2010. Rappelons qu’au sein du SPVM, cinq policiers, dont deux enquêteurs, ont été cités pour négligence devant le comité de déontologie policière dans cette affaire.

Inquiétant pour les citoyens?

La police de Montréal reçoit environ 15 000 appels en matière de violence conjugale par année. Cela représente 20% des crimes contre la personne sur le territoire de la Ville de Montréal. Si l’on a découvert une certaine négligence policière dans l’histoire de Marie Altagracia Dorval, combien de ces appels ne génèrent pas de réponse policière, mais passent sous silence puisqu’il n’y a pas de décès ou de répercussions reportées?

À en écouter la défense des avocats de la Ville de Montréal, un tel incident pourrait se répéter. Effectivement, selon celle-ci, les policiers n’ont pas les moyens légaux nécessaires d’empêcher une chose de la sorte. Cela est d’autant plus inquiétant pour tout citoyen, sachant que le recours au service de police serait « inutile » dans une mesure.

En matière conjugale

L’intervention policière en matière conjugale est quelque chose de très délicat dans la culture policière. Les policiers ont très peu de recours devant les situations (de l’ordre du privé) qui se présentent à eux. Ils ne peuvent pas interagir comme bon leur semble, mais doivent respecter les contraintes légales dans leurs opérations.

Ceci dit, dans le cas de Marie Altagracia Dorval, on aurait dû prendre les choses plus au sérieux. Même si légalement, il aurait été impossible de garder en détention Edens Kenol, une simple visite de la part d’une patrouille pour avertir Kenol aurait pu faire réfléchir ce dernier. En fait, peu importe ce qui aurait été tenté par le SPVM, le dénouement de l’histoire n’aurait pas pu être pire.

Service à la clientèle

Pour le bon fonctionnement d’une police communautaire, il faut que la police soit proche des citoyens. Ceci dit, cela ne se résume pas à employer des mascottes et donner la main aux enfants (le SPVM en image sur leur page web). Il faut que le service de police soit à l’écoute de ses citoyens qui sont, rappelons-le, ses clients.

Devant une telle gourde d’un service de police de niveau 5, on ne peut nier une certaine vague d’insécurité qui en découle. L’évènement est très regrettable et le SPVM doit prendre les mesures pour contrer l’avènement d’une telle situation.