Opération Mister Big
Alain Perreault a fait la connaissance de Lyne Massicotte à Québec, en juillet 2003. Mme Massicotte était venue le rencontrer dans son appartement du secteur Limoilou, le 17 juillet 2003 après qu’ils aient clavardé via les réseaux sociaux. Quelques jours plus tard, sans nouvelle de la dame, les proches ont contacté la police. Mère de famille, la disparition de cette dernière avait fait la une des médias. Le corps de Mme Massicotte n’a jamais été retrouvé. Perreault a toujours été le principal suspect, mais il avait toujours nié être lié à la disparition. Au mois d’août 2003, Perreault était arrêté par la police de Québec et subissait un interrogatoire serré d’une durée de 14 heures. Malgré tous ces efforts, aucune accusation n’était portée contre lui et il était relâché, faute de preuves. On voit ici la différence entre «savoir» et «pouvoir prouver». Les policiers ont toujours su que M. Perreault avait commis le crime, cependant ils n’ont pas réussi à assembler les preuves nécessaires à cette époque.
Ce n’est que six ans et demi après la disparition de Lyne Massicotte, soit le 14 janvier 2010, que la police de Québec a procédé à l’arrestation d’Alain Perreault, dans le secteur Sainte-Foy. Il a été accusé d’avoir tué de façon préméditée la femme originaire de Chambly. Utilisant la méthode «Mister Big», M. Perreault a avoué son crime, piégé par les policiers qui lui avaient fait croire qu’une organisation criminelle souhaitait le recruter. En effet, des agents d’infiltration ont joué la comédie et l’accusé avait alors confessé le meurtre à celui qu’il croyait être le patron du groupe. Le 11 février 2011, il a donc été condamné par le juge Jean-Claude Beaulieu à l’emprisonnement à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Le verdict est tombé après trois jours de délibérations. Perreault a par la suite tenté de faire appel de son verdict le 7 février 2013, et celui-ci a été refusé le 7 mai 2013.
Le 13 septembre 2013, on apprend que M. Perreault tentait un ultime recours. En effet, il s’est adressé au plus haut tribunal du payspour attaquer la légitimité des opérations policières de type «Mr. Big» en alliant sa cause avec celle d’un autre accusé canadien, également piégé par cette technique d’enquête, Nelson Lloyd Hart. Me Beaudoin, son avocat, a toujours maintenu que son client est passé aux aveux en raison de la pression que l’agent double avait exercée sur lui pour qu’il parle.
Qu’est-ce que l’opération Mister Big?
Mister Big a été développée en Colombie-Britannique par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) au début des années 90 par des agents d’infiltration qui souhaitaient pousser plus loin cette méthode d’enquête. Elle a ensuite été utilisée par d’autres corps policiers au pays de même qu’en Australie, où des agents de la GRC se sont rendus pour l’enseigner aux policiers australiens. Cette méthode d’enquête a passé avec succès le test de tous les tribunaux du pays, jusqu’à la Cour suprême.
Les opérations «Mister Big» sont l’œuvre d’une escouade mixte composée d’agents de la GRC, et dans ce cas, de la Sureté du Québec et de la police municipale. Dans l’histoire d’Alain Perreault, les policiers écrivent et mettent en scène 41 scénarios pour amener le suspect à avouer le meurtre. Dans toutes les opérations, les policiers se font passer pour des criminels. Ils tendent leurs filets autour du suspect et l’amènent à faire partie de l’organisation. Trafic de cartes de crédit, blanchiment d’argent, trafic d’armes. Ils lui versent un salaire et lui font vivre la grande vie. Tout est là pour rendre l’organisation crédible. Les opérations «Mister Big» coûtent entre 100$ et 400 000$. À la fin, le suspect rencontre le grand patron, à qui il doit confesser ses crimes passés pour devenir membre en règle de la pseudo-organisation criminelle. En échange, le grand patron lui promet de faire effacer toutes les preuves contre lui. Les aveux sont filmés et seront admissibles en preuve. Dans chaque procès où la méthode «Mister Big» a conclu à des accusations, dans 95% des cas, les accusés ont été condamnés.
Toutefois, cette technique est très controversée. D’un côté les avocats plaident le non-respect d’une valeur primordiale : le droit au silence. Marc Lebelle, criminaliste, est convaincu que l’on devra dans 15 ou 20 ans, corriger une série d’erreurs judiciaire causées par la technique «Mr. Big». Il affirme que les individus passent aux aveux dû à la pression et afin de satisfaire le grand patron. D’un autre côté, les policiers obtiennent la meilleure preuve, soit la personne qui s’incrimine elle-même. Allan Haslett, gestionnaire des cas graves à l’escouade des crimes majeurs de la Gendarmerie royale du Canada et aussi considérés comme le père de ce procédé insiste sur le fait que la méthode d’enquête est très contrôlée et que les agents qui y participent sont soumis à des règles strictes
Me Beaudoin croit que la Cour suprême qui étudie actuellement le dossier de Terre-Neuve, devrait entendre leur cause également et le joindre à l’autre dossier étant donné que la cause d’Alain Perreault est un dossier similaire. Il sera donc intéressant de voir ce que la Cour suprême en pensera, sachant que les détails de ces opérations sont maintenant rendus publics, ce qui rend de plus en plus difficile ce genre d’enquête.
J’aimerais savoir si Perreault a gagné son recours contre la police pour la saisie de quelque $14000 gagnés lors des activités, soit-disant criminelles, pendant l’opération d’infiltration….