Les citoyens souverains

Un nouveau mouvement est en expansion depuis quelques temps au Québec : les citoyens souverains. Avec des idées très libertines, ce mouvement sera certainement à surveiller dans les prochaines années, même si celui-ci l’est déjà par de nombreuses autorités.

Les citoyens souverains, inspirés des Freeman-on-the-land aux États-Unis et au Canada anglais ont fait leur apparition au Québec depuis quelques années grâce, entre autres, à Jacques-Antoine Normandin, un homme de l’Estrie propageant les pratiques du citoyen souverain. Ce mouvement s’objecte aux gouvernements et à ses lois. Les adeptes considèrent l’État et ses systèmes comme une conspiration. Ils admettent que les citoyens peuvent s’extirper de cette conspiration grâce à leurs connaissances juridiques et constitutionnelles. En effet, les adhérents, communément appelés «souverains», croient qu’en obtenant un permis quelconque, comme un permis de conduire, une carte d’assurance maladie, un permis de chasse, etc., les citoyens signent un contrat qui les soumettent à l’autorité. En n’acquérant à aucun de ces «contrats», les souverains sont ainsi exempts de l’autorité de l’État. Jacques-Antoine Normandin et plusieurs de ses compatriotes démontrent souvent leur point en présentant le système d’impôt sur le revenu comme inconstitutionnel. Se défendant être pacifiques, les souverains se battent cependant pour leurs convictions, même si pour le faire, ils doivent tenir tête à l’autorité. Ils sont prêts à aller loin dans leur idéologie. D’ailleurs, les plus extrémistes ne reculent devant rien : ils ne paient pas leurs factures, roulent sans plaque d’immatriculation et résistent à la police. Certains vont même jusqu’à inscrire une hypothèque mobilière sur les possessions de représentants juridiques. Ils les accusent d’avoir abusés de leur autorité en s’attaquant à une personne souveraine, et se venge ainsi. De nombreux juges ont été touchés par ce type d’actions, dont quelques-uns au Québec.

Un reportage de Radio-Canada présente une des têtes d’affiches du mouvement au Québec, Jacques-Antoine Normandin. Dès les premiers instants du reportage, il insiste : il faut arrêter de payer des impôts. Il considère que la loi sur le revenu est inconstitutionnelle et possède des preuves, selon lui. D’après lui, comme il n’y a pas de constitution au Québec, la loi sur l’impôt est illégale. Il mentionne qu’il n’y a plus de constitution au Québec depuis 1968, année de la modification de la Loi sur la législature, ce qui a amené la création de l’Assemblée nationale. Aussi, selon sa thèse, le Québec n’ayant pas signé la constitution de 1982, celle-ci serait donc invalide au Québec. Ces propos ont été réfutés par Benoît Pelletier, professeur de droit constitutionnel à l’Université d’Ottawa. Par ailleurs, Jacques-Antoine Normandin offre plusieurs conférences (dont quelques vidéos sont disponibles sur son site web), afin d’étaler son point sur la «mafia judiciaire», comme il l’appelle. Aussi, Jacques-Antoine Normandin est proscrit de certaines cours de justice, à la suite de ses nombreuses poursuites contre, entre autres, l’Agence du Revenu du Canada. À noter que toutes ses poursuites ont été rejetées. Il reste tout de même dans la sphère pénale en supportant de nombreux adeptes dans différentes poursuites.

Toujours dans le reportage de Radio-Canada, on nous présente Réjean et Jean-François Dubois, un père et son fils qui promeuvent aussi le mouvement des citoyens souverains. Ils ont cessés de payer leurs impôts depuis quelques années déjà. Appuyés par Jacques-Antoine Normandin, ils se battent pour leurs convictions, depuis que l’Agence du Revenu du Québec leur a demandé de rembourser des frais datant de plusieurs années et qui, selon leur dires, avaient été payés. Ils ont poursuivis l’Agence du Revenu du Québec et du Canada, l’Assemblée nationale et plusieurs autres afin de recevoir des réponses sur certains points des constitutions dont, il semble, sont inconstitutionnelles. Leurs recours ont tous été rejetés. Lors du reportage, Réjean Dubois amène d’ailleurs la journaliste à son ancienne maison qu’il s’est fait confisqué par le fisc. Aussi, lors du reportage, l’huissier cogne à la porte des Dubois et saisi meubles et outils. Malgré les difficultés rencontrées, ils continuent de se battre, étant certains de leurs «vérités», comme ils le mentionnent.

L’Agence du Revenu du Canada prend au sérieux cette menace. D’ailleurs, une cinquantaine de groupes de citoyens sont suivis de près à ce propos, dont Jacques-Antoine Normandin. D’après l’Agence, il y aurait environ 10 000 adeptes au Canada. Johanne Charbonneau, directrice des enquêtes criminelles de l’Agence du Revenu du Canada est claire à leur sujet : « Les renseignements qu’on a, c’est que, oui, il faut être à l’affût de ça et garder certaines précautions. Il y a certains d’entre eux qui promeuvent une certaine violence envers les gens avec autorité». D’ailleurs, lors de son entrevue à Radio-Canada, madame Charbonneau a préféré rester à visage couvert, étant donné le risque pour sa sécurité. Ceci démontre d’ailleurs l’importance de la menace des citoyens souverains.

Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), cette agence civile qui travaille sous la responsabilité du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, considère les citoyens souverains comme une menace. Leur mission qui touche, entre autres, le contrôle des influences et/ou ingérences étrangères les amènent à suivre ces idéologues de près. Le FBI, quant à lui, les considèrent comme un mouvement terroriste intérieur. Il faut préciser que le mouvement Freeman-on-the-land est beaucoup plus développé aux États-Unis. Un avertissement sur le comportement possiblement violent de ce mouvement est présent sur le site web du FBI, étant donné la mort de six policiers en lien avec des citoyens prônant le mouvement, depuis l’an 2000.

Bref, les citoyens souverains sont peu appréciés des corps de police. Ceux-ci considèrent ces propagandistes comme une menace pour la population, mais surtout pour leur propre sécurité. Journaliste dans la Presse, Bronskill mentionnait le 25 octobre dernier que l’Association canadienne des chefs de police souhaite une meilleure formation face à ces contrevenants. Une vidéo a récemment été créée pour les différents corps policiers afin de les informer sur la doctrine des citoyens souverains. Par ailleurs, un manque important de communication entre les divers corps de police du pays nuit à la préparation de ceux-ci dans de telles circonstances. Un rapport préparé par quelques chefs de police de la Nouvelle-Écosse, le commissaire adjoint de la GRC ainsi que le commissaire adjoint à la sécurité provinciale de l’Ontario démontre l’importance d’instaurer des systèmes communs pour les différents corps de police, ce qui faciliterait entre autres, le suivi des citoyens souverains. De plus, le rapport recommande aussi une formation pour tous les policiers et fonctionnaires judiciaires face à ce mouvement émergent. D’autre part, la tension entre les policiers et les adeptes du mouvement a tendance à s’envenimer, au point où les rencontres dégénèrent régulièrement en violence verbale et/ou physique. Un exemple est montré dans le reportage de Radio-Canada, lorsque Réjean Dubois menace un policier de quitter les lieux si celui-ci veut que tout se passe sans violence. Encore, un peu plus tard, son fils Jean-François enlève des mains de l’huissier les papiers de saisie afin de se faire entendre. L’huissier en vient même à menacer le jeune homme de le faire arrêter par les policiers présents pour entrave à son travail.

En conclusion, il devient de plus en plus critique pour les policiers d’intervenir face à cette situation. Il va de soi que des tactiques d’interventions se doivent d’être adaptées à ce type d’anarchie. En plus d’être une menace pour l’État et ses citoyens, il en découle une violence importante. On ne voudrait pas se retrouver avec d’autres manifestations comme celle contre la brutalité policière à Montréal, qui dégénère depuis quelques années. Encore, on ne voudrait pas qu’il y ait des morts au Québec à la suite des altercations et en rajouter au nombre déjà élevé en lien avec les citoyens souverains. Nous ne sommes pas sans se rappeler la vidéo du policier abattu par des membres du groupe Freeman-on-the-land aux États-Unis suite à la vérification de routine d’une plaque d’immatriculation irrégulière. Enfin, il faudra suivre de près le mouvement suite à l’évolution de celui-ci au Québec, espérant qu’il puisse être freiné avant que cela ne dégénère comme chez nos voisins du sud.