La Sûreté du Québec, une police politique!

Le Québec est de nouveau plongé en période électorale. À la veille d’un possible changement de vision gouvernementale, nombreuses sont les questions et inquiétudes. Qu’elles soient réelles ou non fondées, ces questions et ces inquiétudes font certainement couler énormément d’encre. Patrick Lagacé, chroniqueur au journal La Presse, a écrit un article en septembre dernier qui, malgré une parution hâtive, serait d’actualité en cette période de campagne électorale. L’article en question, intitulé « La SQ, police politique », soulève quelques inquiétudes au sujet de la Sûreté du Québec qui, si on les accepte, se prêteraient à débat.

Éditorial controversé typique chez M. Lagacé, l’article pourrait se résumer à la question : « Qui surveille la police? ». Plus précisément on peut comprendre, à la lecture de l’article, plusieurs critiques adressées au service de police provinciale. Par exemple, l’auteur reproche à la Sûreté du Québec (SQ) d’être le seul corps de police québécoise pouvant enquêter sur la corruption possible chez les élus autant municipal que provincial. En effet, l’auteur justifie ce fait en mentionnant que la SQ est le seul service de police possédant le « niveau 6 » d’enquête. Bien que véridique, l’argument évacue certains détails intéressants à la compréhension de ce qualificatif (niveau 6). En ce sens, il faut savoir qu’il existe au Québec une loi régissant l’ensemble des pratiques policières, dont les compétences des différents corps policiers en fonction de la taille de la municipalité qu’il dessert. L’article 70 de la loi sur la police garantit, en effet, le partage des services devant être offert par les corps de police québécois. Octroyant de plus en plus de responsabilités aux services de police suivant la démographie de la municipalité desservie, la loi exige du service possédant juridiction dans l’ensemble de la province qu’il offre l’entièreté des services du ressort de la police. C’est cette particularité de la loi qui envoie les enquêtes concernant la corruption au corps policier qu’est la Sûreté du Québec.

L’auteur poursuit l’article en étalant d’autres actions qui, selon lui, démontrent une bifurcation des services ordinairement offerts par la police élevant la SQ au rang de ce que Jean-Paul Brodeur a nommé « haute police ». Pour M. Brodeur, la « haute police » est celle qui, dans le but de préserver le fonctionnement du gouvernement, surveille, prévient et réprime toute forme de désordre. Ici, on peut lire que l’exemple des poursuites criminelles lancées par la SQ à l’endroit de journalistes correspondent à la répression politique que l’auteur de l’article dénonce. On comprend également que l’auteur reproche une trop grande proximité entre les dirigeants de la SQ et le gouvernement lorsqu’il mentionne l’enquête Diligence. Ces exemples cités par M. Lagacé amènent le lecteur, comme mentionné plus haut, à se questionner sur la présence de mécanismes de « surveillance» de la police.

Non seulement ces mécanismes existent, mais on peut les regrouper en trois catégories; soit selon leurs modes, leurs styles et leurs formes. Dans la première catégorie, il existe, dans un premier temps, le contrôle et, dans un deuxième temps, la redevabilité. En ce qui a trait au contrôle, il s’agit d’une activité proactive octroyant des règles et des procédures limitant les possibilités de « déviances ». Quant à la redevabilité, il s’agit plutôt d’une activité réactive se trouvant déclenchée à la suite d’un évènement ayant pour but d’évaluer les cas, de corriger les possibles erreurs commises et de discipliner les possibles fautifs.

Pour ce qui est des styles d’activités de surveillance de la police, il en existe deux. Premièrement, l’administratif correspond à une sorte de hiérarchisation suivant un modèle paramilitaire où chaque subalterne doit obéir aux ordres de son supérieur immédiat sans poser de questions. Dans un deuxième temps, le style rétrospectif correspond à une collaboration entre les membres, de façon non autoritaire et mettant l’accent sur la compensation par opposition aux sanctions présentent dans le style précédent. On peut facilement voir un exemple de ces styles dans l’article lorsque l’auteur aborde le contenu d’une lettre reçue par Fabrice de Pierrebourg provenant d’officier de la SQ (lettre anonyme).

Finalement, il existe trois formes d’activités de surveillance de la police. La première est la surveillance interne. Cette forme est la plus dominante au Québec. Il s’agit simplement de l’organisation elle-même qui effectue sa propre surveillance. Il peut toutefois y avoir des situations où une autre organisation policière surveille un plus petit, comme c’est le cas avec le Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM) qui peut être enquêté par la SQ. Mais on pourrait facilement voir émerger la question à savoir qui surveillerait la SQ dans le cas présent. La seconde forme de surveillance proviendrait de l’appareil gouvernemental. En effet, lorsqu’il est mobilisé par groupe de citoyen ou par un incident médiatisé, le gouvernement peut mobiliser sa force législative et règlementaire pour solutionner un problème soulevé. Sans doute qu’ici, M. Lagacé rétorquerait (sans vouloir lui prêter d’intentions) aisément que le gouvernement répond par voie de poursuite les incidents soulevés par des citoyens, en faisant référence aux poursuites judiciaires commandées par le ministre de la Sécurité publique de l’époque M. Stéphane Bergeron suite aux fuites entourant la médiatisation de l’affaire Ian Davidson. En terminant, il existe une forme civile de surveillance de la police. Au Québec, il s’agit du Bureau d’enquête spécialisé ainsi que le Commissaire à la déontologie policière. Ce sont tous deux des institutions indépendantes.

En terminant, même si l’article intitulé « La SQ, police politique » écrit par Patrick Lagacé ne nous apprend que très peu de choses sur la police elle-même et sur les moyens existant au Québec pour en surveiller les activités, il mériterait de revenir dans l’actualité en cette période de campagne électorale. Non pas parce qu’il relève des faits d’une véracité incontournable, mais parce cette campagne électorale gagnerait grandement en intérêt en ce centrant sur des débats portant sur l’intégrité de leur gouvernement plutôt que des insultes de premier niveau sur l’attitude qu’à un chef de parti à l’égard de son épouse lors de conférence de presse.