Lutte contre la contrebande de tabac

Le 7 mars dernier, les policiers de la Sûreté du Québec (SQ) ont effectué une importante perquisition en lien avec la contrebande de tabac à St-Cyrille de l’Islet. Les suspects dans cette affaire seraient impliqués dans un réseau de contrebande actif dans la ville de St-Cyrille et les environs. Ces arrestations résultent d’une opération d’enquête amorcée il y a quelques mois grâce à des informations provenant du public. Les individus seront accusés en vertu de la Loi concernant l’impôt sur le tabac. Cette intervention, comme l’ensemble des enquêtes concernant la contrebande de tabac, est le résultat de la collaboration de plusieurs organisations, autant policières que non policières. De nombreux partenariats existent entre ces différentes organisations pour favoriser le partage d’information et de renseignements ainsi que l’identification des cibles.782038-lutte-contre-contrebande-tabac-porte

Pour commencer, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) définit le tabac de contrebande de la façon suivante : «[…] tout produit du tabac qui n’est pas  conforme aux lois fédérales et provinciales, notamment en matière d’importation, d’étiquetage, de fabrication, d’estampillage, de douanes et de taxation.» Le tabac de contrebande est donc du tabac illicite sur lequel aucun contrôle de qualité n’est exercé. Selon Revenu Québec, les pertes fiscales causées par les réseaux de contrebande s’élèvent à 125 millions de dollars par année au Québec. Revenu Québec fait partie des organisations qui se partagent les différentes missions concernant la lutte contre la contrebande des produits du tabac. Cet organisme gouvernemental est, entre autres, chargé de l’application de la Loi concernant l’impôt sur le tabac sur tout le territoire de la province. Il est intéressant de voir le rôle de policing que plusieurs organisations non policières peuvent avoir. Malgré le fait que la police reste la forme la plus visible de l’application de la loi, certaines instances, gouvernementales ou privées, jouent un rôle considérable.

L’Agence du revenu du Canada, une autre organisation étatique, est également impliquée dans la lutte contre la contrebande. Parmi ses responsabilités, on retrouve l’application de la Loi de 2001 sur l’accise et de l’ensemble des règlements s’y rapportant. Cette loi comporte une partie consacrée exclusivement à la réglementation sur le tabac. L’Agence du revenu du Canada a plusieurs agents enquêteurs qui font partie d’unités d’enquêtes fiscales présentes un peu partout au pays. Des agents d’exécution qui vont sur le terrain et peuvent effectuer des perquisitions ainsi que des saisies aux fins d’enquête travaillent aussi pour l’Agence du revenu. Certaines de ces tâches ressemblent beaucoup à celles effectuées par les policiers, ce qui montre encore une fois que les pratiques de policing ne sont pas exclusivement réservées aux services policiers. Il existe également un programme au sein de l’agence qui est chargée de recevoir les dénonciations des citoyens ou des entreprises. Ceci permet de souligner l’importance de la participation des citoyens dans l’ensemble des activités «policières» (au sens large, comprenant les activités plus générales de policing). En effet, contrairement à la croyance populaire, les policiers sont relativement rarement proactifs, c’est-à-dire que la majorité de leurs activités sont générées par des appels des citoyens. Le cas de St-Cyrille est un bon exemple de ceci, puisque l’enquête a été déclenchée suite à des informations fournies par le public.

Dans le cas de l’opération susmentionnée à St-Cyrille de l’Islet, la SQ a travaillé en étroite collaboration avec le Service des enquêtes sur la contrebande. Le mandat de ce service est de lutter contre la contrebande dans le but de «récupérer des biens et actifs utilisés par les contrevenants», «afin de s’assurer de l’intégrité du système fiscal québécois». La grande victime de la contrebande de tabac est évidemment le gouvernement, et indirectement tous les contribuables, puisque la contrebande  prive l’État de plusieurs millions de dollars qu’il devrait percevoir sur les taxes de la vente de cigarettes. Pour remplir une des missions du Service des enquêtes sur la contrebande, celle qui constitue à récupérer les pertes causées, Revenu Québec impose des amendes extrêmement importantes aux personnes condamnées. Le montant de ces amendes a d’ailleurs augmenté dans les dernières années afin de créer un effet dissuasif. En plus des amendes, Revenu Québec exige également de récupérer les taxes sur la vente qui étaient impayées, ce qui lui permet de récupérer des millions de dollars sur la taxe de vente du Québec (TVQ).

La collaboration de la Sûreté du Québec avec les organismes fiscaux du gouvernement n’est pas anodine. En effet, les gouvernements ont un impact important sur les services policiers. Premièrement, ce sont eux qui votent les lois et règlements que la police sera par la suite chargée de faire respecter. Les gouvernements contrôlent les budgets alloués aux organisations policières, ce qui constitue leur plus grand impact sur les activités de la police. Par exemple, dans le plan d’action économique pour 2014 du gouvernement canadien, ce dernier accroît le soutien accordé à la GRC pour lutter contre la contrebande de tabac en injectant 91,7 millions de dollars supplémentaires sur cinq ans. Le gouvernement conservateur considère que le tabac de contrebande est une menace sérieuse à la sécurité publique des citoyens et qu’il contribue à l’expansion du crime organisé. Il est également intéressant de constater que ce même gouvernement, dans le budget 2014, annonce une hausse considérable des taxes sur le tabac dans le but d’augmenter les revenus fiscaux et inciter les fumeurs à arrêter ou diminuer leur consommation de tabac. Il est possible de se demander si ces deux mesures, c’est-à-dire l’augmentation des taxes et celle des budgets alloués à la lutte contre la contrebande, n’auront pas en quelque sorte des effets opposés. Madame Françoise Bertrand, présidente-directrice générale de la Fédération des chambres de commerce du Québec, le souligne de la façon suivante : «Mais tout en donnant avec la main droite, le gouvernement nuit avec la main gauche aux efforts de la police par des taxes qui rendent les cigarettes de contrebande encore plus attirantes.» Ceci est une autre preuve de l’impact des décisions gouvernementales sur l’objet de l’activité des policiers, ainsi que sur leurs activités elles-mêmes.

La GRC  joue également un rôle important dans la lutte contre la contrebande de tabac. Cette organisation est responsable d’effectuer les enquêtes criminelles en matière de tabac. Elle collabore généralement avec les organisations fiscales et les autres corps policiers. Le travail des policiers est souvent indispensable dans les cas de contrebande de tabac, puisqu’il n’est pas rare que le crime organisé soit lié à ces activités. La majorité des réseaux se livrant à ce type d’activité illégale sont aussi impliqués dans d’autres activités de nature criminelle. Les aspects internationaux peuvent aussi compliquer le problème et nécessiter des interventions de plus grande envergure.

Finalement, comme le cas récent de la perquisition et saisie de cigarettes de contrebande par la Sûreté du Québec à St-Cyrille de l’Islet le montre, ces interventions sont le résultat de la collaboration de plusieurs organisations, autant policières que non policières. Ceci permet de voir que quelques agences gouvernementales, comme les agences fiscales des deux paliers de gouvernement, ont certaines fonctions qui se rapprochent de celles du policing.