Cyberintimidation au cœur d’une nouvelle législation

Amanda Todd et Rehtaeh Parsons, voilà deux noms qui ont fait les manchettes à plusieurs reprises au cours de l’année précédente. C’est deux jeunes filles de respectivement 15 et 17 ans, se sont enlevées la vie après avoir été victime de cyberintimidation. Les deux cas ont suscité de vives réactions dans la population, au point où le gouvernement a dû se pencher sur la question en proposant un projet de loi dont le but est de combattre la cyberintimidation, qui est qualifiée par le ministre de la Justice d’acte criminel.  En attendant qu’un tel projet soit mit en application, certaines provinces ont déjà pris l’initiative, dont la Nouvelle-Écosse avec la Cyber-Safety Act.

D’abord, dressons un portrait de la cybercriminalité. Alors que la définition donnée par le gouvernement du Canada ne concerne que les enfants et les adolescents, celle de la Gendarmerie royale Canadienne n’en tient pas compte : « Elle consiste à utiliser les technologies de communication… pour intimider une personne à répétition ou la harceler ». Cette définition est assez large, et ce pour une bonne raison, c’est qu’elle peut inclure tout ce que la loi décrira comme une technologie de communication et tout ce qu’elle jugera être intimidant pour la victime. À l’heure actuelle, une personne ne peut pas être condamnée pour cyberintimidation, mais elle peut l’être pour des crimes connexes comme : les menaces, le harcèlement ou l’exploitation sexuelle.

Cela étant dit, revenons au cas de la Nouvelle-Écosse, qui a instauré une nouvelle législation en avril 2013, soit la Cyber-Safety Act. Le gouvernement provincial donne ainsi des pouvoirs à la Cour suprême provinciale afin de : « Protéger les victimes et tenir les cyberintimidateurs responsables devant la loi ». Suite à l’adoption de la loi, une unité d’enquête a été créée, soit la CyberSCAN, composée de cinq membres qui sont chargés de prendre les plaintes, faire les enquêtes et régler les cas de façon appropriée. Voilà la ligne directrice de l’unité. Comme décrite dans la brochure, c’est une option pour le citoyen qui ne veut pas compter sur la police pour voir sa cause portée en justice, c’est une option civile. Analysons cette unité en décortiquant les diverses composantes de sa ligne directrice.

Membres :  L’unité est composée de cinq personnes portant le titre d’enquêteur, au sens où ils mènent des investigations. Ils détiennent tous un bagage différent, mais tous ont de l’expérience avec le système de justice, soit en tant qu’ancien policier, membre du service correctionnel ou même enquêteur. Cette variété dans la composition lui donne un important savoir pour procéder dans ses tâches, car chacun possède des acquis individuels qui renforcent la compétence du groupe.

Prendre les plaintes : On pourrait associer cet aspect de leur travail à un des rôles actuels de la police, soit le maintien de l’ordre. Non pas au sens conventionnel où on l’entend, car ici l’ordre ne réfère pas à une notion physique, mais morale, c’est-à-dire de préserver la qualité de vie du citoyen. En rencontrant les victimes, les familles et les écoles, c’est tout un environnement qui peut être modifié par le travail de l’unité.

Faire les enquêtes : Les enquêtes font parties de la famille de l’application de la loi, c’est aussi celle qu’on associe le plus souvent aux forces de l’ordre. Dans le cas présent, on parle d’enquête spécifique dont le suspect est connu de la victime. Le déroulement suit celui de l’enquête classique : après avoir reçu la plainte, ils parleront aux personnes impliquées, collecteront des preuves qui leurs serviront à déterminer comment résoudre l’affaire.

Régler les cas : L’unité peut décider de deux sortent de résolution, en fonction de l’information qu’ils auront acquise durant leur enquête, soit informelle ou formelle. L’option informelle signifie que le cas ne se rendra pas devant les tribunaux. Au lieu, ils parleront à la personne pour lui faire comprendre le sérieux de la situation, si cela ne fonctionne pas, alors ils passeront à des mesures formelles. Celles-ci sont possibles grâce au Cyber-Safety Act, qui permet au tribunal de soumettre le coupable à une ordonnance de protection ou de prévention. Finalement, dans le cas où les enquêteurs auraient des preuves qu’un crime a été commis, en addition à la cyberintimidation, ils pourront remettre le dossier à la police afin que le processus judiciaire entre en application.

La CyberSCAN est la première du genre au Canada, tout comme la loi qui a permis sa création. Comme mentionné précédemment, le gouvernement fédéral considère une loi sur la cyberintimidation et a ressèment lancé une campagne publicitaire pour sensibiliser les jeunes sur cette problématique. La Nouvelle-Écosse sera peut-être l’instigatrice d’un nouveau mouvement provincial pour lutter contre la cyberintimidation, ayant déjà commencé à référer des cas à la cour, notamment dans le cas d’Andrea Paul, chef d’une communauté autochtone.