Opération Macramé

La Division régionale des enquêtes en Mauricie-Centre-du-Québec est fière, et elle peut. Les médias parlent de la plus grande opération policière jamais vue en Arthabaska, une municipalité régionale de comté du Québec. En effet,  le jeudi 13 mars, dès 6h du matin, cent soixante-quinze policiers de la Sûreté du Québec ont effectué pas moins de 25 perquisitions et 22 arrestatations. Ces perquisitions ont été entreprises dans le cadre de l’opération « Macramé », une opération visant à démanteler un important réseau de trafic de stupéfiants.

Les perquisitions ont eu lieu à Victoriaville pour 75 %, mais également à Tingwick, Warwick, Sainte-Clotilde-de-Horton, Saint-Samuel, Bécancour et Trois-Rivières. On peut donc parler d’un réseau en région. La sergente Mélanie Dumaresq, porte-parole de la SQ, soutient que le réseau était un « réseau qui était très structuré, bien organisé et qui avait un très grand contrôle sur la vente de stupéfiants à Victoriaville et les environs ».  Certains parlent de gang de rue, avec un niveau de vie élevé et un mode de vie clinquant. En effet, le modus operandi du groupe était calqué sur celui des gangs de rue de Montréal et sept des personnes arrêtées devront répondre à des accusations de gangstérisme. Le lieutenant Jacques Gagnon, responsable des équipes spécialisées à la Division des enquêtes régionales en Mauricie-Centre-du-Québec de la SQ, parle d’un « crime organisé traditionnel québécois » qui faisait de l’intimidation pour conserver le contrôle.

825141-lieutenant-jacques-gagnon

La quasi-totalité des individus arrêtés sont âgés entre 18 et 30 ans. On sait qu’ils s’approvisionnaient dans la région montréalaise et qu’ils revendaient les stupéfiants au Centre-du-Québec.  Pas de chance pour la tête dirigeante du réseau qui avait déjà la tête en vacances et la valise prête : Tommy Michel, 25 ans, fut arrêté à l’aéroport de Dorval à Montréal tout juste avant son départ pour quelques jours de congé dans le sud. Trois individus étaient encore recherchés, mais l’un d’entre eux s’est rendu ce lundi.

La Sûreté du Québec a dévoilé, le 14 mars, le bilan officiel de l’opération et si le trafic de stupéfiants est jugé comme étant le trafic le plus lucratif, on comprend bien pourquoi… Il s’agit finalement de 160 kg de cannabis, plus de 11 000 comprimés de méthamphétamine, 148 plants de cannabis, 1 kg de cocaïne et plus de 20 000$ en argent canadiens qui ont été saisis. Mais ce n’est pas tout, cinq véhicules, plusieurs armes à feu et armes blanches, des documents, des appareils électroniques ou encore des téléphones cellulaires ainsi que de l’équipement servant à la production et la vente de stupéfiants font partie du lot frauduleux saisi. Ainsi, cette opération n’est pas sans rappeler celle du 18 novembre 2009 durant laquelle 14 personnes avaient été interpellées. Il semblerait que c’est le marché laissé vacant à la suite de ces arrestations qui aurait permis au réseau appréhendé de s’implanter dans la région.

L’opération Macramé est le résultat d’un travail de coopération au niveau local et fédéral. En effet, elle fut lancée par une enquête initiée en novembre 2012 par les enquêteurs du poste de la MRC d’Arthabaska. La Sûreté du Québec, la Division des enquêtes régionales de la Mauricie-Centre-du-Québec, la Gendarmerie royale du Canada et le Service de police de la Ville de Trois-Rivières ont ensuite travaillé en partenariat dans cette enquête qui a donc commencé il y a un an. Les policiers de la MRC d’Arthabaska ont entrepris l’enquête en novembre 2012 puis, puisqu’il s’agit d’un réseau, ce sont les équipes du lieutenant Gagnon qui ont pris le relais.

Les services de police se plaisent également à souligner un autre point qui met en jeu l’idée de police communautaire, mais cela rentre dans la généralisation de cette notion en termes de langage. En effet, il s’agit ici de souligner l’importance d’un partenariat entre la police et les citoyens. Ces citoyens ont pu apporter leurs témoignages en tant que victimes du trafic de stupéfiant puisqu’il a été dit que les suspects n’hésitaient pas à se servir de la violence et de l’intimidation. Selon le lieutenant Gagnon, « ils contrôlaient Victoriaville au grand complet ». Ce travail de partenariat est essentiel dans la lutte contre le trafic de stupéfiants. Selon les recherches sur la prévention efficace en matière de drogue, les efforts sont plus efficaces lorsque les collectivités, les familles, les écoles et les organismes communautaires y participent. Les collectivités où les drogues sont produites ou vendues constituent la première ligne dans la lutte antidrogue. De plus, l’opération Macramé se poursuit, car d’autres arrestations pourraient avoir lieu. C’est pourquoi la Sûreté du Québec rappelle qu’elle déploie ses efforts de lutte au trafic de stupéfiants dans toutes les régions du Québec et invite toute personne possédant des informations reliées au trafic de stupéfiants à communiquer avec la Centrale de l’information criminelle au 1 800 659-4264, ce qui n’est pas sans rappeler le partenariat des citoyens avec la police dans le cadre d’un élargissement du terme de police communautaire, bien que cela soit vulgarisé. À l’échelle nationale, le Canada a donc conçu une stratégie nationale pour appuyer des programmes communautaires et élaborer des programmes d’application de la loi à grande échelle en matière de drogues.

Tout cela est justifié par le fait que le problème du trafic de drogue s’amplifie partout au Canada. Il touche particulièrement  la Colombie-Britannique, l’Ontario et le Québec, mais certaines saisies  importantes récentes dans les régions rurales des provinces maritimes  indiquent que le problème est loin d’être un phénomène seulement local. En 2007, le gouvernement du Canada a mis en œuvre une Stratégie nationale antidrogue globale, dirigée par le Ministère de la Justice, afin de diminuer l’offre et la demande de drogues illicites en mettant l’accent sur les mesures visant à décourager la consommation de drogues illicites chez les jeunes. La Stratégie se concentre sur trois aspects prioritaires, dont la lutte contre les entreprises de production et de distribution de drogues illicites. Le Plan d’action en matière d’application de la loi, mené par Sécurité publique Canada, appuie les mesures policières d’enquête sur les crimes liés à la drogue et la poursuite en justice des personnes accusées de ces crimes. Il permettra de renforcer la capacité des forces policières de lutter contre les installations de culture de marijuana et les activités de production et de distribution de drogues synthétiques.

Le trafic de stupéfiants est bien un des enjeux prioritaires en termes de sécurité et le représentant de la Division régionale des enquêtes le rappelle : il existe depuis quelques années un phénomène de banalisation de la consommation de drogues chez les jeunes. Aux niveaux local et national la préoccupation est grandissante : de petits réseaux, en apparence peu influents, réussissent à monter de réel business mettant en danger la santé des jeunes. Le rôle des services de police est donc majeur au sein de cette problématique du trafic de stupéfiants. Mettre un frein au trafic des drogues illicites reste une priorité dans le cadre du plan d’action général visant à assurer la sécurité des personnes.

Au niveau local, il semblerait que l’importance de la police de proximité soit à souligner. C’est en établissant un lien direct avec la population que les services de police peuvent à la fois faire de la prévention, mais également jouer un rôle de dissuasion ou encore obtenir des informations capitales. Il faut également mettre en avant l’importance de la prévention dans les milieux éducationnels. En effet, ce qui a le plus surpris dans cette histoire est le jeune âge des membres du groupe. Enfin, il est nécessaire qu’une coordination soit efficiente entre les milieux de santé, de l’application de la loi, des services de police et des services correctionnels. C’est la mission donnée au Cadre national d’action. Un effort conjoint entre les niveaux locaux et la coopération internationale reste le seul moyen efficace de mettre à mal le pouvoir des trafiquants, mais la route est longue dans la lutte contre les réseaux parallèles de l’économie canadienne.