Manifestation contre la brutalité policière à Montréal
Le 15 mars dernier se tenait une manifestation à Montréal contre la brutalité policière. Cet évènement n’est pas nouveau puisqu’il se tient annuellement depuis 1997. En somme, on rapporte à propos de celui-ci qu’il ne s’est pas toujours transformé en théâtre où la population en profitait pour déverser leur haine envers les forces de l’ordre en causant grabuge et désordre, mais qu’il s’est déroulé dans le calme plat à plusieurs occasions. Cependant, ces dernières années, on a pu assister à des manifestations se soldant par plusieurs arrestations. En effet, on enregistre au-delà de 220 arrestations depuis l’année 2009, à l’exception de l’année 2010 où il y en avait eu 101. Le SPVM déplore notamment que certains groupes de casseurs profitent de l’évènement pour commettre des méfaits et ainsi nuire aux messages des manifestants légitimes.
Les autorités du SPVM ne comptaient pas empêcher les gens de manifester pourvu que tout se déroule dans la légalité. À ce titre, ils avaient demandé un itinéraire du parcours des manifestants au responsable de la manifestation et ne l’ont jamais reçu, ce qui rendrait, par ailleurs, cette dernière illégale dès le départ. Par conséquent, alors que la manifestation commençait à prendre de l’ampleur vers 15h près de la station métro Jean-Talon qui tenait lieu de point de rassemblement, elle fût alors déclarée illégale, faute d’avoir fourni un itinéraire. Les forces du SPVM ont alors très vite encerclé un groupe de manifestants afin de les disperser. Pour faire un bilan, le SPVM a interpellé un peu moins de 300 personnes en vertu du règlement P-6 de la Ville de Montréal (port de masque, possession d’objets contondants et non-dévoilement de l’itinéraire) à qui ils ont remis une contravention de 637$ pour avoir participé à une manifestation illégale. De plus, cinq personnes ont été arrêtées pour différentes infractions criminelles, allant de l’entrave au travail policier jusqu’à l’agression armée. Des accusations criminelles pourraient potentiellement être portées contre eux.
Après quelque altercation suite à l’encerclement de groupes de manifestants, le calme à progressivement repris sa place aux environs de 17h où l’ensemble des manifestants avaient disparu. Les autorités du SPVM ont également rapporté que suite aux incidents des dernières années alors qu’ils avaient laissé libre-cours à la manifestation malgré l’absence d’itinéraire, ils ont préféré y mettre rapidement un terme cette année en invoquant ce prétexte pour éviter certains désordres.
On peut certainement entrevoir une forme de tolérance zéro dans leur approche pour reprendre le contrôle de la situation et éviter que les évènements dégénèrent. Les forces de l’ordre ont sans aucun doute craint l’effet en chaîne qui peut se produire dans une manifestation où, alors que certains ne feront que tirer des mottes de neiges aux policiers au départ, d’autres se mettront à incendier des commerces. Ils ont donc agi en appliquant strictement les règles en émettant rapidement une conséquence à chaque dérogation d’un règlement ou d’une loi. Cela dit, cette stratégie semble avoir bien fonctionné puisqu’il n’y a eu que 5 arrestations, que les dégâts occasionnés n’égalent pas ceux des années précédentes et que les forces de l’ordre ont repris efficacement le contrôle des évènements.
Toutefois, je me questionne à savoir quelles répercussions générales ces méthodes policières vont avoir à l’avenir. Est-ce que cela va favoriser les manifestations qui se déroulent dans les règles de l’art ou est-ce que cela aura pour conséquence de taire la voix du peuple? En effet, en appliquant strictement chaque règlement auprès des manifestants, cela devient un moyen de contrôler un plus grand nombre d’individus et d’avoir un certain effet de dissuasion auprès de ceux qui luttent pour la bonne cause. Par ailleurs, je suis d’avis que les gens qui utilisent les moyens les plus radicaux sont souvent ceux qui ont le moins à perdre et qui ne seront pas dissuadés par un ticket alors que les contraventions et interpellations policières feront fuir les gens respectueux des lois qui ne désirent que livrer un message sans toutefois compromettre leur sécurité ou risquer l’arrestation. Vue sous cet angle, cette méthode dite de tolérance zéro pour rétablir l’ordre et assurer le contrôle social pourrait avoir l’effet pervers de nuire à la liberté d’expression du citoyen ordinaire. De plus, comme par le passé, il est déjà arrivé à plusieurs reprises que cet événement se déroule dans le calme, il est difficile de conclure qu’elle se serait nécessairement soldée par du grabuge sans l’action systématique de la police. Ceci étant dit, même si cela a bien fonctionné pour cette fois, il ne faudrait pas non plus conclure à une recette miracle.