Des perquisitions auprès d’entreprises de la construction par une agence peu connue
Des perquisitions ont été menées le 11 mars 2014 par les enquêteurs du Bureau de la concurrence du Canada (BCC) auprès de seize entreprises de la construction dans la grande région de Montréal. Ainsi, ce n’est pas uniquement les corps de policiers réguliers qui ont le pouvoir de mener des enquêtes et des perquisitions.
Qu’est-ce que le Bureau de la concurrence du Canada ?
Le Bureau de la concurrence du Canada est un organisme qui a pour objectif de maintenir une économie concurrentielle auprès des entreprises et des consommateurs au Canada. Il vise à l’application et le respect de différentes lois afin de maintenir une économie juste pour tous, dont la Loi sur la Concurrence. Il enquête sur la fixation de prix, le trucage d’offres, la fabrication de documentation, etc. Plus précisément, le BCC a également pour mission d’enquêter sur les cartels anticoncurrentiels. On entend par cartel dans ce cadre, une organisation qui s’adonne à des activités afin de freiner la concurrence et d’en tirer profit.
Pourquoi le BCC a-t-il le pouvoir de faire ces perquisitions ?
Ces perquisitions sont justifiées parce que la Loi sur la concurrence semble avoir été enfreinte par certaines entreprises de la construction. Précédemment, il a été possible de prendre connaissance, entre autres par la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction (Commission Charbonneau), de la présence de groupes ou de « cartels», qui contrôlaient la distribution des contrats dans le domaine de la construction en favorisant certaines entreprises. Ainsi, le BCC enquête sur un cartel de la construction qui fixerait le prix des contrats publics et qui truquerait les processus d’appel d’offres. La concurrence vient ainsi difficile pour d’autres entreprises. La mafia semble impliquée de près ou de loin dans ce cartel, notamment en mettant sur pied un système « d’impositions » aux entrepreneurs sur les contrats. Ces enquêtes auprès d’entreprises de la construction permettent d’amasser des preuves matérielles afin de mettre en lumière les fixations de prix et les trucages de contrats. Ces enquêtes pourraient mener à des accusations d’ordre pénales. Le BCC doit d’abord envoyer son dossier d’enquête au directeur des poursuites pénales.
Une « police » distincte
Il importe de préciser que cette agence exerce des pouvoirs de « policing » , les perquisitions et les enquêtes dans ce cas-ci, uniquement aux noms de lois précises. Son pouvoir de « policing » s’articule uniquement à l’intérieur de ces lois et des situations qui peuvent y être visées. Ainsi, elle ne détient pas le pouvoir de faire du « policing » de type « surveillance » et de patrouille générale comme les services de police réguliers. Cela dit, les activités du BCC sont davantage réactives que proactives. Leurs « agents » sont davantage des enquêteurs que des patrouilleurs. Dans le cas présent, on peut supposer que lorsque le BCC a obtenu des renseignements sur les entreprises de la construction délictueuses, il a entamé des enquêtes.
Les entreprises perquisitionnées
Parmi les entreprises perquisitionnées, on retrouve : Catcan, Mivela construction, Canbec, BP Asphalte et Pavage ATG. Ces entreprises sont responsables de la construction de parcs, places publiques, trottoirs, rues, aqueduc et égouts. Ces infrastructures sont en grande majorité des infrastructures publiques et donc financées publiquement. Le dirigeant de l’entreprise de la construction Mivela, Nicolo Milioto, est considéré comme l’un des intermédiaires entre la mafia montréalaise et les entrepreneurs de la construction. Certains entrepreneurs devaient payer une commission à M. Milioto pour leurs contrats et qui était ensuite versée à la « mafia ».
Le BCC assisté des divers services de police
Ces perquisitions sont un exemple où le contrôle social formel est appliqué autrement que par les services policiers traditionnels. Ne vous réjouissez pas trop vite par contre, le pouvoir d’utiliser une force coercitive, soit les perquisitions, n’a pas été usurpé aux corps policiers par le BCC puisque ce dernier a été assisté par l’Unité Permanente Anticorruption (UPAC), le Service de police de Montréal (SPVM), le Service de police de Laval, le Service de police de Longueuil et la Sûreté du Québec (SQ) dans ces perquisitions. Ainsi, bien qu’il soit commun que les services policiers agissent en partenariat afin de répondre à leurs missions, il est également possible d’observer un partenariat de ceux-ci avec d’autres agences gouvernementales.
Efficacité ?
Plusieurs des entreprises mentionnées ont été le sujet d’enquêtes par les travaux de la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction. Or, l’enquête menée par la BCC s’avère une enquête différente et indépendante. De plus, bien que le BCC ait été assisté de divers corps policiers dans les perquisitions, on assure que l’enquête ait également menée de façon indépendante. S’il était possible de parler de collaboration en matière de « policing » un peu plus haut, ce n’est pas le cas ici. Peut-être qu’une collaboration du BCC et de la Comission Charbonneau favoriserait leur efficacité puisqu’après tout, ils enquêtent sur le même chapitre. Par contre, il se peut que par souci d’éthique, ces enquêtes soient menées indépendamment.