Dix jours sans solde pour un policier de Sherbrooke
En février dernier, Jean-Pierre Rivard, un policier du service de police de Sherbrooke (SPS) a été condamné à une suspension de 10 jours sans solde à la suite de l’arrestation abusive de Monsieur Dussault, avocat criminaliste. Les policiers suivants étaient également impliqués dans cette affaire : Alexandre Faucher, Benoit Rainville et Jasmin Bernier (tvanouvelles).
L’évènement est survenu le 5 mars 2008. Michel Dussault revenait à son bureau après un dîner d’affaires, lorsqu’il s’est retrouvé coincé par quatre agents de police, dans le stationnement arrière de son bureau. Les policiers auraient reçu un appel dénonçant que Monsieur Dussault avait beaucoup consommé en peu de temps. C’est alors que quatre agents dans trois voitures de patrouille avec les gyrophares allumés l’ont intercepté. Les policiers l’ont fouillé, l’ont menotté et l’ont amené au poste de police, puisqu’ils le soupçonnait d’être en état d’ébriété. Au poste de police, l’avocat criminaliste a été soumis au test d’ivressomètre. Le résultat fut négatif, avec 0.027 milligramme d’alcool par 100 millilitres de sang, alors que le niveau d’excès est de 0.08. Les agents concernés ont gardé monsieur Dussault en détention pendant une quinzaine de minutes additionnelles, puisqu’ils tentaient d’obtenir un deuxième test. Cependant, vu le faible taux d’alcoolémie enregistré, ce test fut refusé. De plus, même si le résultat était négatif, l’agent Rivard a voulu immortaliser ce moment en photographiant l’avocat Dussault au poste de police (Journal de Sherbrooke).
À la suite de cet évènement, le 4 mars 2009, l’avocat Michel Dussault décide d’intenter une poursuite en dommages de 80 000$ contre la Ville de Sherbrooke et les quatre policiers concernés. Il demande 40 000 $ en dommages exemplaires et pour atteintes à son intégrité, à ses droits et à sa dignité; 30 000 $ en dommages corporels (choc nerveux, dépression, angoisse); et 10 000 $ pour dommages moraux, souffrance psychologique et humiliation. Même si les policiers répondaient à un appel anonyme, aucun élément factuel ne donnait raison à ce dénonciateur. Donc, avant de procéder à l’arrestation, les policiers auraient dû enquêter pour savoir si effectivement monsieur avait suffisamment consommé pour avoir les facultés affaiblies. Ceux-ci n’ont même pas fait subir à monsieur Dussault un test de coordination pour tester ses facultés.
Le 27 mars 2012, au terme d’une saga qui a duré pratiquement 4 ans, on apprend que le criminaliste a gagné sa cause contre trois de ces quatre policiers à la suite d’une entente hors cour. Dussault demandait 80 000$ mais on refuse de dévoiler l’entente conclue entre les deux parties (Canoe).
En novembre 2012, ces trois policiers ont, aussi, été poursuivis en déontologie. Cependant, les sanctions ont été rendues en février dernier. Le comité reprochait aux agents Jasmin Bernier et Alexandre faucher d’avoir abusé de leur autorité en menottant monsieur Dussault. Ceux-ci ont écopé d’un blâme, tandis que Jean-Pierre Rivard a été condamné à une suspension de 10 jours sans solde pour avoir abusé de ses fonctions en procédant à une arrestation abusive. Le jugement rendu par le comité de déontologie a conclu que Monsieur Rivard, malgré ses 21 ans d’expérience, avait l’intention de procéder à l’arrestation avant même d’avoir évalué Michel Dussault. Il est intervenu en disant «Ce n’est pas notre fabuleux avocat ça » la préposée le lui a confirmé et il a répliqué « F’a que si on le voit on l’intercepte et on monte ça au poste ? ». Ce dernier fait également face à des accusations criminelles pour avoir fait des témoignages contradictoires lors de la poursuite intentée aux civils (La presse).
À première vue, les policiers semblaient agir de bonne foi, puisqu’ils répondaient à un appel anonyme, qui mentionnait que Monsieur Dussault avait consommé beaucoup d’alcool en peu de temps. Dans notre société, c’est le rôle de la police d’intervenir dans ce genre de situation. Tout d’abord, le maintien de l’ordre comme la patrouille, la circulation, les règlements de conflit ainsi que la réponse aux urgences font partie du rôle de la police. De même que l’application de la loi, c’est-à-dire le contrôle de la criminalité, l’arrestation des suspects et les enquêtes, fait partie du rôle des policiers. Donc, il était de la fonction des policiers de répondre à cet appel et de procéder à l’arrestation si nécessaire.
Cependant, dans ce cas-ci, l’arrestation était clairement abusive. Les policiers auraient dû agir avec un peu plus de prudence, d’autant plus que Monsieur est un homme de la loi connu. Pour ma part, il est clair que les policiers auraient dû enquêter pour savoir si Monsieur Dussault avait les facultés affaiblies. Habituellement, lorsqu’un policier intercepte un véhicule, il pose d’abord des questions à la personne. En cas de soupçon, il peut la faire descendre du véhicule pour observer son comportement et lui faire passer des tests physiques ou encore un test de dépistage. C’est à la suite de ces procédures que le policier peut amener la personne au poste, s’il a des motifs de croire qu’elle conduit avec les capacités affaiblies (éducaloi). Or, l’agent Jean-Pierre Rivard n’a pas soumis l’avocat à un test avant de l’arrêter, c’est pourquoi l’arrestation était abusive et contrevenait à l’article 6 du code de déontologie policier. Comme nous avons pu lire précédemment, dans l’article «violence policière à Trois-Rivières» l’article 6 du code de déontologie mentionne que « le policier doit éviter toute forme d’abus d’autorité dans ses rapports avec le public. Notamment, le policier ne doit pas avoir recours: à une force plus grande que celle nécessaire pour accomplir ce qui lui est enjoint ou permis de faire; faire des menaces, de l’intimidation ou du harcèlement; porter sciemment une accusation contre une personne sans justification; abuser de son autorité en vue d’obtenir une déclaration; et détenir, aux fins de l’interroger, une personne qui n’est pas en état d’arrestation ». En revanche, le comité de déontologie a bien fait de réprimander Monsieur Rivard, puisque les gestes posés, qui faisaient preuve d’incompétence grossière, étaient contraires à l’article 6 du Code de déontologie. De plus, comme les gestes posés étaient non seulement erronés, mais répréhensibles, mauvais, immodérés et excessifs, on peut déterminer qu’il y a eu abus, puisque la jurisprudence associe ce type de geste à l’abus d’autorité. De plus, comme je l’ai mentionné dans mon premier article «intervention musclée», l’imposition de menotte n’est pas nécessaire. Les policiers ont traité Michel Dussault comme un criminel et ils ont usé d’une force démesurée, en le menottant. Dans de telles circonstances, l’utilisation des menottes a enfreint le code de déontologie, puisque ce dernier ne présentait aucun risque significatif pour la sécurité des personnes présentes. En revanche, les policiers Alexandre Faucher et Jasmin Bernier ont été blâmés par le comité du Code de déontologie, pour avoir menotté Monsieur Dussault.
Pour conclure, suite aux comportements de l’agent Rivard, je suis tout à fait en accord avec une suspension de 10 jours sans solde. Cette décision hâtive de la part du policier Jean-Pierre Rivard, a fait part d’un manque de professionnalisme et semble avoir été guidé par un ressenti à l’égard de l’avocat Michel Dussault. L’agent semble avoir agi, pour se venger, puisque la décision a été prise avant même qu’il soit rendu sur les lieux. De plus, il a pris une photo de Michel Dussault lorsqu’il était en détention. La carrière d’avocat criminaliste, de ce dernier, pourrait expliquer cette vengeance, puisque monsieur aurait auparavant assumé la défense de membres des Hells Angels et il aurait, dans certains procès, fait mal paraîtres des policiers. C’est ce qui m’amène à me demander si les policiers sont tentés d’user de leur pouvoir d’autorité au moins une fois dans leur carrière pour arriver à leurs propres fins ?