Une blessure permanente
Le 6 février 2013, les salariés des usines d’ArcelorMittal, manifestent à Strasbourg dans la région d’Alsace en France. C’est le mécontentement chez les travailleurs de cette compagnie qui tentent, par leurs manifestations, de sensibiliser les députés de l’Europe à la stratégie du géant de l’acier qu’ils jugent totalement inacceptable. Les pertes d’emplois sont déjà très importantes dans l’entreprise de ce géant métallurgique. Cette situation fait grogner les travailleurs. Les employés estiment que tant leur employeur que les élus gouvernementaux européens les trahissent. Les sidérurgistes sont furieux du nouveau licenciement de travailleurs qui s’annonce. Pour tenter de se faire entendre, ils déclenchent une manifestation en espérant que leurs voix seront enfin entendues pour dénoncer leur exaspération de voir des familles à la rue à la suite des licenciements causés par la réorganisation des usines de cette multinationale. L’absence de syndicat rend difficile la mobilisation. Les laborieux font alors appel à la solidarité et l’entraide de tous les travailleurs pour dénoncer la situation et leurs conditions de travail dont celles à la carte.
Leur appel est entendu et des milliers de travailleurs venus des quatre coins de l’Europe se joignent à eux pour manifester. Certains d’entre eux viennent d’aussi loin que la Belgique et le Luxembourg. Ils ont fait un long trajet dans des conditions hivernales difficiles pour tenter de faire entendre leurs voix.
Les autobus conduisant ces militants ont fait l’objet de fouilles par les autorités policières afin de s’assurer de la légalité des objets en possession des travailleurs. Les policiers ont été très rigoureux et ont saisi plusieurs objets que les travailleurs voulaient apporter. Certains militants prétendent aussi que des autobus n’ont pu se rendre à destination. Les policiers justifient leurs actions en invoquant leur obligation d’assurer la protection du public. Pour les manifestants, l’intervention policière vise plutôt à les museler.
Les autorités policières françaises sont bien déterminées à l’égard de la manifestation. Ils bloquent tous les accès au Parlement européen. Les manifestants, pour leur part, souhaitent manifester pour se faire entendre. Ils tentent de briser les barrières bloquant les accès mais n’y arrivent pas. Les policiers rétorquent en aspergeant les manifestants de gaz lacrymogènes et de tir de flash-ball.
La manifestation devient chaotique et houleuse. Quelques manifestants sont arrêtés et d’autres blessés.
Parmi eux, un jeune travailleurs, âgé de 25 ans, du nom de John David, perd l’usage complet de son œil droit à la suite d’un tir de flash-ball directement à son visage.
La procédure d’un flash-ball prévoit qu’il doit être utilisé uniquement avec des balles molles de 29 grammes chacune. Or, le projectile ayant atteint John David avait un poids de 95 grammes. Il s’agit d’un projectile LDB40 Exact Impact et non celui d’un flash-ball. Ce projectile est généralement assimilé à ceux qui sont utilisés à des fins militaires.
Cette arme, plus forte que le flash-ball, a été distribuée aux forces policières de l’Europe. Les autorités avaient par contre interdit aux policiers d’utiliser cette arme au niveau du visage. Les instructions en ce sens ont été transmises à plusieurs reprises. Les avis énonçaient clairement qu’elle était peu adaptée aux situations de manifestations. Les conseils prodigués étaient d’utiliser, lors des manifestations, le projectile qui convient spécifiquement au flash-ball.
Les directives quant à l’utilisation de cet appareil comportent deux autres consignes qui doivent être respectées. La première est qu’il est strictement interdit, en aucun cas, d’utiliser cet appareil dans une situation autre que celle de la légitime défense. La deuxième consigne fondamentale est de ne pas tirer à moins de dix mètres de la cible pour éviter des dommages inquiétants et même irréversibles.
En supposant (même si plusieurs sources nous prouvent le contraire) que le jeune John David était à plus de dix mètres, comment expliquer que ce dernier à reçu le missile directement au visage? Qu’est-ce qui justifie l’utilisation d’un projectile de la nature de celui qui a atteint monsieur David même en présumant, quoique encore une fois invraisemblable, que le policier a tiré de façon involontaire?
Selon plusieurs articles et publications à la suite de cet incident, la police française et la gendarmerie font chacun de leur côté une enquête pour tenter d’éclaircir les circonstances de cette malheureuse situation. Je n’ai toutefois vu aucun article qui nous informe du résultat de ces enquêtes, ni même du traitement de la plainte de monsieur David.
Le délai pour obtenir le résultat des démarches des enquêtes policières et du système judiciaire est en France, comme ailleurs, très long.
Est-ce qu’on assiste, encore une fois ici, à une trop grande complaisance et collaboration étroite entre la police et les médias? Est-ce que l’on tente de taire la suite de cet évènement ou si les médias n’en parlent plus parce que, comme toute nouvelle, elle est éphémère?
On le sait, les médias ont une influence déterminante sur la plupart des organisations policières, mais surtout sur l’information qui en découle. Dans ce cas-ci, la plupart des médias que j’ai lus sur ce thème, influence plusieurs sphères dans ce sujet.
Premièrement, l’opinion publique est touchée. On comprend que la plupart des médias se rallient aux travailleurs. Or, la réalité est que nous n’avons pas totalement les deux côtés de la médaille. Nous ignorons en majeure partie la réaction des manifestants. Qu’est-ce qui s’est réellement passé pendant cette manifestation outre le fait que monsieur David a malencontreusement perdu la totalité de son œil droit?
Deuxièmement, les résultats des enquêtes menées au sujet de cet incident n’ont pas été dévoilés dans les médias alsaciens. On ne connaît pas non plus la manière dont ces enquêtes ont été faites.
Il faut donc s’interroger quant à la relation entre les médias et la police lors de tels conflits. Pour ma part, je reste septique et ce, sur plusieurs points.