Matricule 728. Dérapage policier?
La grève étudiante de 2012, fut la plus longue de l’histoire du Québec. En réponse à la hausse des droits de scolarité universitaire imposée par le gouvernement Charest, les manifestations s’étendirent du 13 février au 7 septembre 2012. L’Assemblée nationale du Québec adopta le projet de loi 78 le 18 mai 2012 afin de contrer les moyens de pression des étudiants. Cette loi, déposée par le gouvernement libéral, impose des distances minimales pour la tenue de piquets de grève près des institutions d’enseignement et impose des restrictions aux organisateurs de manifestations comptant plus de 50 participants. (Assemblée nationale, 2012) Ceci nous confirme donc le passage d’un État faible et décentralisé qui se basait sur la religion à un État centralisé qui possède maintenant le monopole de la violence. Suite à cette loi, une manifestation fut organisée à Montréal le 20 mai 2012. Les tensions entre manifestants et policiers étaient à leur comble, donnant lieu à des interventions musclées, des méfaits et des arrestations.
Une policière du Service de police de la ville de Montréal (SPVM) est tristement devenue populaire lors de ce printemps étudiant. Stefanie Trudeau, surnommé matricule 728, a aspergé des manifestants de poivre de Cayenne au coin de Ste-Catherine et de St-Hubert. La vidéo de l’incident s’est répandue en peu de temps sur les réseaux sociaux et a créé une onde de choc. Le SPVM l’avait alors retirée des manifestations, mais sans la suspendre. Une enquête déontologique avait également été ouverte. Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a décidé de ne porter aucune accusation contre l’agente Stéfanie Trudeau en ce qui a trait à son attitude lors de la manifestation étudiante du 20 mai 2012. Selon le DPCP, la preuve « ne permet pas d’apprécier l’intégralité de l’évènement et son contexte ». Il affirme que la manifestation avait été « déclarée illégale et l’intervention policière visait une dispersion fluide de manifestants hostiles et la création d’une zone sécuritaire ». Il conclut donc « que cette intervention ne dépassait pas les limites établies par l’article 25 du Code criminel et la jurisprudence relative à l’emploi de la force nécessaire par un agent de la paix chargé de l’application de la loi ».
Cependant, la policière n’est pas au bout de ses peines. Dans un plus récent article daté du 27 septembre 2103, une poursuite a été intentée au civil contre celle-ci et son collègue par quatre citoyens concernant des événements qui ont eu lieu le 2 octobre 2012 dans un appartement du Plateau Mont-Royal. Ils réclament la somme de 400 000$ pour la violation de leurs droits fondamentaux, pour des dommages corporels et moraux, et « le caractère discriminatoire des interventions illégales et abusives ». (La Presse, 2013) Rudy Orchietti, un artiste qui habite Le-Plateau-Mont-Royal, tient la porte pour qu’un de ses amis musiciens y entre son matériel audio. Quelques secondes avant, il avait une bière en main. Agissant proactivement, la policière Stéfanie Trudeau arrive sur l’entrefaite. La situation a par la suite dégénérée à un niveau de violence difficilement explicable, notamment en raison de l’attitude de Stéfanie Trudeau. Sans le savoir, sa description de l’événement a été enregistrée. Elle y va d’un vocabulaire cru pour décrire les suspects: « On a sauté dessus, on a réussi à le menotter, mais pendant ce temps-là, tous les rats qui étaient en haut, les gratteux de guitares, ces ostie de carrés rouges là, tous des artistes ostie, en tous cas, des mangeux de marde, ils ont commencé à sortir de l’appartement. On s’est retrouvé, il y en avait six ou sept autour de nous autres qui criaient. » Selon moi, ces propos sont inacceptables. Cette policière est censée agir comme agent de la paix, respectueuse du citoyen. Elle a le pouvoir d’arrestation, et de fouille lorsqu’il y a des doutes raisonnables. Mais dans cette situation, l’agente n’avait pas de motif raisonnable de faire usage de la force, c’est donc pourquoi elle a été retirée de toute opération en lien avec la population. Il est à noter que ces deux évènements ne sont pas des cas isolés. Stéfanie Trudeau a fait l’objet de plusieurs plaintes devant le comité de déontologie, notamment e 2001 lorsqu’elle a été suspendue six jours sans salaire pour son attitude agressive envers le personnel de l’Hôpital Sainte-Justine à Montréal. Aux dernières nouvelles, le matricule 728 est toujours suspendu, mais cette fois-ci avec solde et elle est en suivi psychiatrique.
Alors, compte tenu de sa feuille de route, comment a-t-elle pu occuper ses fonctions si longtemps?
Les bévues de cette policière ont soulevé plusieurs questionnements et débats. À mon avis, la principale lacune au Québec est l’absence d’un organisme civil de surveillance et d’enquête indépendant des corps policiers comme celui de l’Ontario par exemple (Bureau du directeur indépendant de l’examen de la police ou BDIEP). En effet, chaque province a sa propre loi de police et réglemente les services policiers sur son territoire. Au Québec, notre système fait qu’il n’y a pas un code qui explique que pour tel type de comportement de la part d’un policier, s’applique tel type de sanction. Cette absence de code ouvre la porte à des événements de la sorte. Dans plusieurs cas, le règlement de l’affaire peut se faire à l’interne et sera appuyé par la hiérarchie ou la fraternité policière.
Un autre débat a également été soulevé : la formation des policiers est-elle suffisante? Marc Alain, criminologue croit « qu’il y a quelque chose que les policiers ne comprennent pas. Il manque quelque chose dans la formation. Les policiers passent à travers une formation qui est censée les mettre à un niveau de respect du citoyen que certains n’ont manifestement jamais intégré. » (Radio Canada, 2012) Certains croient qu’une formation universitaire serait nécessaire. Engagé trop jeune, le passage par le Baccalauréat permettrait quelques années de maturité de plus avant de porter un uniforme et une arme.
Pour conclure, il est important de mentionner que la policière elle-même a des responsabilités lorsqu’il est question de maintenir l’ordre et d’appliquer la loi. Dans le texte Le «combattant du crime», il est mentionné que pour les policiers, une bonne opération est une opération où l’on ne parle pas de la police. Chaque policier possède un pouvoir discrétionnaire et agit en fonction de ce qui juge le plus approprié. Dans ces deux cas, Stefanie Trudeau a cru que le poivre de Cayenne et la force étaient les meilleurs moyens afin de résoudre les problèmes. Cependant, la population était en désaccord avec ces moyens utilisés et cette nouvelle a pris une ampleur particulière due aux médias. En effet, c’est le citoyen qui a influencé et donné de la visibilité à cette histoire. N’étant pas en accord avec les agissements de la policière, les vidéos se sont retrouvés sur YouTube pour, par la suite, être utilisées par les médias. Qui sait si nous en aurions entendu parler autrement…Les médias adorent les bavures policières et ces derniers ont une grande influence sur l’opinion de la population. Toutefois, il ne faut pas généraliser un cas à l’ensemble des policiers. Néanmoins selon moi, ce n’est ni un cas généralisé, ni un cas isolé.
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