Les policiers ont-ils tendance à appuyer sur la gâchette trop rapidement?

La brutalité policière est un sujet dont on entend souvent parler. Cependant, ce n’est pas chose courante qu’un policier utilise son arme à feu et tire sur un citoyen pour faire régner l’ordre. C’est pourtant ce qu’a commis le policier de Toronto, James Forcillo, en juillet dernier.

C’est un triste événement qui s’est produit dans la nuit du 26 au 27 juillet 2013 lorsqu’un jeune homme de dix-huit ans fut abattu lors d’une intervention policière dans un tramway de Toronto. L’événement s’est produit aux petites heures du matin lorsque Sammy Yatim, la victime, brandit un couteau et demanda l’évacuation de tous les passagers du tramway. L’évacuation se déroula sans tracas et le jeune homme se retrouva enfin seul dans le transport en commun à l’intersection des rues Dundas et Bellwoods. C’est à ce moment que l’intervention policière débuta dans le but de mettre fin à cette situation. C’est aussi à ce moment que les choses prirent une tournure dramatique. Les policiers ont tout d’abord demandé au jeune homme de se débarrasser de son arme blanche et de se rendre, mais, sans résultat, ils décidèrent d’employer une autre méthode qui allait changer le cours des choses. Voyant que la situation était dans une impasse, un des agents, James Forcillo, décida d’ouvrir le feu en direction de Sammy Yatim à trois reprises puis à six autres reprises. De plus, après les coups de feu, au lieu de lui donner les premiers soins, un autre policier monta à bord du transport en commun et administra une décharge de pistolet électrique au jeune déjà inerte au sol. La mort de ce dernier a été confirmée sur le lieu du drame.

Preuves à l’appui, un témoin équipé de son téléphone intelligent ainsi qu’une caméra de surveillance ont filmé la scène en entier. La vidéo du passant s’est, par la suite, vite retrouvée sur les réseaux sociaux et eut l’effet d’une bombe en engendrant une multitude de réactions.

Le jeune Sammy était décrit par sa famille et ses amis comme « un aimable et sympathique garçon de 18 ans ». Selon d’autres personnes, il était de nature calme et respectueuse. Ses amis proches révélèrent que ce dernier était à la recherche d’une identité et semblait un peu perturbé lors des semaines qui ont précédé l’incident. Le décès tragique de Sammy Yatim amena un lot de réactions et d’incompréhensions autant de la part des proches de la victime que des citoyens de Toronto et du reste du Canada. Les médias et les Canadiens se questionnent encore sur la décision du policier d’ouvrir le feu à bout portant sur le jeune homme qui, à ce moment, ne représentait aucune menace.

Quelques jours après l’événement, une manifestation sous tension a eu lieu près de la scène où Sammy Yatim est décédé. Même si une forte escorte policière était présente lors de la manifestation, rendus au niveau du poste de police où travaillent les agents qui ont été impliqués lors de la fusillade, des individus ont tenté de pénétrer dans les locaux, mais sans résultat. De plus, des gens masqués et vêtus en noir ne se sont pas gênés pour injurier les policiers lors de la marche. Le reste de la manifestation s’est toutefois bien déroulé.

Pour ce qui est de l’agent James Forcillo, il a été suspendu avec solde jusqu’à son procès, soit environ un mois plus tard. Lors de sa comparution à la Cour suprême de Toronto, le policier accusé du meurtre non prémédité du jeune Sammy Yatim fut libéré sous caution, mais devait tout de même remplir les trois conditions suivantes; verser une somme de 510 000 $, être protégé par plus de quatre gardes de sécurité et enfin, ne pas quitter l’Ontario. Selon son avocat, dans le passé, seul un autre policier avait fait face à des accusations de meurtre non prémédité avant d’être jugé innocent. Le cas de Forcillo est toutefois loin d’être fini, car l’enquête préliminaire aura lieu seulement au mois d’avril prochain.

Du côté de la police, le chef Bill Blair a remit en question le travail de ses policiers lors de cette affaire et nomma l’ancien juge Dennis O’Connor pour examiner en profondeur les pratiques des agents de police lors d’intervention où le suspect est énervé et potentiellement dangereux. Pour sa part, le président de la Commission des services de police de Toronto, Alok Mukherjee, a mentionné qu’il y a eu suffisamment de morts impliquant des évènements de la sorte et que des changements d’envergure devraient être apportés. De leur bord, l’unité des enquêtes spéciales (UES) aura pour mandat de faire la lumière sur cet événement. Il est à noter que l’enquête de l’UES sera indépendante à celle effectuée par la police afin de renforcer la confiance des citoyens envers les services de police de la région. Fait intéressant, « l’Ontario demeure l’un des rares endroits au monde à s’être doté d’un organisme civil indépendant qui détient le pouvoir de mener des enquêtes et de porter des accusations criminelles contre des agents de police. »

Pour ma part, après avoir visionné la vidéo prise par le passant, j’ai été stupéfait de voir une intervention policière aussi mal organisée et insensée. En effet, lors de la vidéo nous pouvons apercevoir pas moins d’une dizaine de policiers sur place, mais aucun d’entre eux n’a essayé de calmer la situation. Les seuls mots qui ont été prononcés se sont; « lâche le couteau » et quelques secondes plus tard les premiers coups de feu furent tirés. Je pense qu’un minimum de médiation aurait pu faire la différence, car le jeune homme en question n’était pas une menace dangereuse pour les agents sur place. De plus, dans la vidéo, nous pouvons voir qu’après les trois premiers coups de feu, la victime s’effondre au sol, puis ce sont six autres coups de feu qui sont tirés en direction de Sammy Yatim. Un autre policier a même, après la fusillade, administré une décharge de pistolet électrique ce qui, à mon avis, ne fait aucun sens. Selon moi, cet acharnement sur la victime n’a pas sa place lors d’une intervention policière. Pour conclure, je pense qu’une sanction sévère doit être portée contre l’agent Forcillo. Son collègue qui a fait l’usage de son pistolet électrique devrait aussi, à mon avis, avoir une sanction.