Climat de peur dans la communauté gaie de Montréal: le SPVM réagit

Jamais je n’ai vécu une telle violence et une telle haine envers les gais
-Alain Jackinsky, victime de voies de fait

Situé dans l’arrondissement de Ville-Marie, le Village gai de Montréal est un lieu intense d’activités et d’événements. Il abrite une grande proportion de magasins, de restaurants, de services pour la communauté gaie et lesbienne et, bien évidemment, de bars. C’est justement à la sortie de l’un de ces bars que Christian Beaudoin, jeune homme montréalais, a été victime de coups et blessures de la part de quatre hommes. Alors qu’il hélait un taxi, sur la rue Sainte-Catherine, les quatre agresseurs l’ont saisi par derrière et l’on projeté au sol, pour ensuite le rouer de coups. C’est un passant qui a rapidement porté secours à M. Beaudoin. Ce dernier a été transporté d’urgence à l’hôpital. Conséquences de l’attaque: visage tuméfié et ensanglanté et côtes et épaules meurtries. Les agresseurs n’ont toujours pas été identifiés.

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Le portrait défiguré de Christian Beaudoin a fait le tour des réseaux sociaux. Ces derniers ont eu une influence énorme sur l’opinion publique, mettant ainsi le feu aux poudres aux critiques face à l’inaction du Service de police de Montréal (SPVM) contre la violence gratuite et homophobe. L’agression de M. Beaudoin n’était pas un cas isolé puisque plusieurs autres agressions avaient été reportées à la police, parfois durant le même week-end. Toutes ces altercations avaient été commises à l’endroit de la communauté homosexuelle du Village. Le cas de Christian Beaudoin est très similaire à l’agression du DJ Alain Jackinsky, qui avait été tabassé, à la sortie d’un bar l’automne dernier, par cinq hommes et femmes. Cette vague de violence gratuite a créé un climat de peur dans cet arrondissement de Montréal. Même les commerçants en ressentent les effets négatifs.

Le SPVM, pour sa part, a rapidement réagi à la situation en affirmant que le village était sécuritaire et qu’il ne s’agissait pas d’actes homophobes. Toujours selon eux, les crimes à caractères homophobes ainsi que les voies de fait auraient diminué au cours des dernières années. Il est vrai que les statistiques officielles démontrent une baisse des crimes de violences contre la personne. Par contre, les crimes à l’endroit des victimes marginalisées, telles que les communautés homosexuelles, sont parmi les crimes les moins rapportés au système de justice. Pourquoi? Parce que ces crimes haineux sont, malheureusement, les crimes les plus violents. Les victimes ont donc peur des conséquences et ne rapportent pas leur agression, en plus d’être davantage stigmatisées. Il y a ainsi de fortes chances que de nombreuses altercations à caractère homophobe ne se soient pas rendues à la police. Le chiffre noir de cette criminalité de rue est par conséquent très élevé.

Malgré leur propos, le SPVM a tout de même modifié ses activités policières pour diminuer le climat de peur et de violence. Depuis deux semaines, les résidents ont pu voir une augmentation de la présence policière (à pied, à vélo et en auto-patrouilles) sur la rue Sainte-Catherine et ce, à toutes heures du jour et de la nuit. Une quinzaine de policiers, soit 0,3% de l’effectif policier du SPVM, se sont ajoutés aux agents de la paix qui patrouillaient déjà dans cette partie de la ville. À la sortie des bars, des voitures de police sont également postées devant les établissements les plus achalandés. Le but de cette visibilité accrue est de prévenir les futurs incidents pouvant survenir dans les points chauds du quartier. Ces patrouilles sont familières pour les gendarmes du poste de police 22 puisque la prévention du crime ainsi que le maintien de l’ordre dans les endroits publics sont parmi les principales activités des corps de police municipaux. Le SPVM encourage également les victimes à porter plainte, ce qui serait extrêmement bénéfique pour les enquêteurs qui sont responsables de l’investigation des crimes graves survenue dans les derniers jours. Il est donc important qu’il y ait des patrouilleurs en permanence dans le village puisqu’ils sont les intervenants de premières lignes dans les situations d’urgences.

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En plus de cette visibilité accrue, le Service de police de Montréal veut implanter un système de caméras de surveillance sur la rue Sainte-Catherine. Cette nouvelle stratégie a donné lieu à de nombreuses protestations et critiques. C’est notamment le cas de l’organisme Spectre de Rue, qui pense que l’installation de caméras ne fera que déplacer le problème vers d’autres quartiers, au lieu de le régler. De plus, la candidate solidaire Manon Massé croit que l’implantation de ce type de système de « sécurité » serait extrêmement coûteuse et mènerait à l’incrimination et à la judiciarisation des personnes marginalisées et en situation d’itinérance. Ce n’est un secret pour personne: le quartier gai de Montréal est connu pour rassembler une énorme quantité de sans-abri, de vendeurs de drogues et de toxicomanes. L’ajout d’effectif policier pourrait donc mener à la judiciarisation de nombreuses personnes marginalisées et non au combat contre la violence gratuite. L’inquiétude de Madame Massé est fondée puisque la police québécoise et tout particulièrement le service de police de Montréal a une longue tradition de contrôle des classes marginalisée et défavorisée. Effectivement, les premières institutions policières de la province furent créées pour imposer une régulation morale aux classes inférieures en plus de se dissocier de leurs problèmes sociaux et politiques. Ce contrôle formel, c’est-à-dire un contrôle encadré par le pouvoir public, devait imposer l’ordre dans les quartiers marginalisés et défavorisés. Le SPVM, pour sa part, a également une histoire peu reluisante. Créée dans les années 1840, cette police avait pour mandat de se charger du contrôle des travailleurs itinérants, des immigrants pauvres, des prostitués ainsi que des mendiants et autres sans-abris. Bref, il devait s’occuper de tout ce qui menaçait l’ordre social établi. Bien que le rôle actuel de la police a quelque peu changé, il y a malheureusement toujours des cas où les classes défavorisées sont traitées injustement. L’article A Homeless and a Cop: Not another incident?, publié sur ce blogue, en démontre la preuve.

Bref, l’implantation d’un système de caméra serait-elle une technique de prévention qui permettrait d’arrêter les criminels, ou alors une manière de contrôler et de judiciariser une population déjà marginalisée? Seul l’avenir nous le dira.