« Russie: l’armée de terre mobilisée pour la sécurité des Jeux olympiques de Sotchi »
L’ouverture des Jeux olympiques 2014 qui arrive à grands pas, implique le déploiement de mesures de sécurité importantes. Toutefois, le recours à de tels moyens n’est pas particulier à cet événement puisque la tenue de sommets internationaux impose souvent des mesures analogues. À titre d’exemple, rappelons que le Canada, lorsqu’il a reçu les dirigeants du G20, a dépensé plus d’un milliard pour assurer la sécurité de l’événement. Pour sa part, la Russie s’est tournée vers l’armée. En effet, en plus des forces de police, Moscou a annoncé le 30 septembre 2013 que « [l]’armée de terre russe va participer aux opérations de sécurité pour les préparatifs et le déroulement des Jeux olympiques d’hiver à Sotchi en février […] » En regard de ces informations, nous tenterons de démontrer l’utilisation de l’armée comme force de police auxiliaire lors de la tenue d’événements majeurs. Pour ce faire, la description des événements sera présentée, de même que la description des moyens de sécurité qui seront mis de l’avant par l’armée. Enfin, nous regarderons quel est le but de l’armée en tant qu’organisation de sécurité.
Pour débuter, rappelons qu’en 2007, le Comité international olympique (CIO) a choisi la Russie comme pays hôte des Jeux olympiques de 2014. Pour cette occasion, Sotchi accueillera des délégations de sportifs provenant de plus de 80 pays et l’attention médiatique sera tournée tout entière vers la Russie. Le succès des Jeux aura un impact sur l’image du pays au niveau international. Comme mentionné ci-haut, les Jeux se dérouleront à Sotchi, station balnéaire située dans le sud de la Russie et, plus précisément, dans le Caucase. L’instabilité de cette région se traduit entre autres par la présence de groupes séparatistes hostiles à l’État russe et par des conflits avec les États voisins, notamment avec la Géorgie. La plus grande menace demeure tout de même les risques d’attentats par des organisations islamistes. Celles-ci ont d’ailleurs menacé de commettre des attentats. Ce sont ces propos qui justifient, pour l’État russe, le recours à l’armée comme force de protection. Les attentats survenus à Volgograd (à 700 kilomètres de Sotchi), les 29 et 30 décembre 2013, ont accentué la nécessité de fournir un soutien aux policiers chargés de la sécurité. Suite à cet attentat, de nouvelles menaces terroristes ont été émises contre la tenue des Jeux olympiques et ont soulevé l’inquiétude de la communauté internationale.
En réponse à cette instabilité, la Russie recourt à divers moyens de sécurité. D’abord, on estime à plus de 100 000 le nombre d’hommes responsables d’assurer la sécurité. En attente du début des jeux, les militaires ratissent le site afin de s’assurer qu’aucun explosif ne s’y trouve. De plus, les entrées et sorties sont contrôlées afin qu’aucun étranger non autorisé ne puisse accéder aux installations olympiques. Outre le déploiement de militaires, l’armée aura accès à divers moyens technologiques pour prévenir les menaces terroristes. Parmi ceux-ci, notons l’utilisation de satellites et de drones pour la surveillance aérienne de Sotchi et des environs. Pour ce qui est de la sécurité aérienne, on se tourne vers les systèmes de missiles antiaériens Pantsir-S, qui sont à la fine pointe de la technologie russe.
Dans un même ordre d’idées, l’armée russe bénéficie d’une coopération avec d’autres institutions de sécurité russe, notamment les corps de police et le FSB (Service fédéral de sécurité) qui est le service de renseignements russe. Respectivement, les premiers ont pour rôle d’assister l’armée dans ses tâches alors que le second a pour but de prévenir les attentats en surveillant les activités des groupes terroristes. À ce propos, Benoît Dupont exprime que le recours à des institutions complémentaires pour assurer la sécurité s’inscrit dans un mode de gouvernance interinstitutionel. Un exemple de ce type de gouvernance serait que l’armée russe n’ait d’autres choix que de collaborer avec le FSB afin d’obtenir les informations nécessaires à l’identification des menaces et à la prévention des attentats, comme il a été souligné dans l’article « Big Brother est (aussi) sur le web… ».
En plus de tout ce dispositif de sécurité, la Russie peut aussi compter sur l’assistance des autres pays. L’exemple le plus marquant est la coopération entre la Russie et les États-Unis. En effet, ces derniers sont prêts à mettre à la disposition des Russes deux navires de guerre et des avions. Par ailleurs, ils offrent leur assistance dans la lutte antiterroriste en la présence de 20 agents du FBI (Federal Bureau of Investigation). Bref, le caractère international des Jeux et le caractère transnational du terrorisme imposent une réponse coordonnée de la part des acteurs internationaux, ce qui explique la coopération entre divers pays pour assurer la sécurité des Jeux.
Il convient maintenant d’analyser en quoi l’armée peut constituer, par ses rôles et par son but, une organisation proche des corps de police. D’abord, certains rôles assurés par l’armée dans le cadre des Jeux olympiques, tels que la prévention du crime (l’attentat étant considéré comme un crime), le contrôle des foules et le maintien de l’ordre, seraient, au Canada, assumés par la GRC (Gendarmerie royale du Canada). Toutefois, bien qu’ayant des activités similaires, l’armée russe n’offre guère d’autres ressemblances avec le modèle de police britannique. Au contraire, le but, qui est essentiellement de présenter l’image d’un pays capable d’assurer la sécurité sur son territoire, s’apparente davantage à un objectif politique qui est propre à la haute police, tel que le percevait Marc-René d’Argenson. En effet, celui-ci soutient que le rôle de la police (qui est à l’époque la lieutenance générale de Paris) est d’abord la protection de l’État et la prévention des menaces contre l’ordre établi. De la même façon, nous estimons que l’activité de l’armée à Sotchi ne s’intéresse pas aux crimes communs et que le respect des règlements et des lois n’est qu’un objectif secondaire de la concentration des forces de sécurité à Sotchi.
Ainsi, dans ce contexte particulier, l’armée russe s’intéresse plutôt aux activités terroristes, aux mouvements sociaux ou aux individus qui s’attaquent à l’État russe et indirectement, à ses partenaires internationaux. Cette vaste opération de sécurité se justifie également par le fait qu’un attentat soit déjà survenu peu de temps avant, il est nécessaire à l’État russe d’en faire plus pour démontrer son souci de sécurité et de répondre aux appréhensions des délégations internationales. De plus, l’État russe évoluant dans un environnement international non policé (aucune autorité disposant du pouvoir de coercition au-dessus des États souverains), il lui est nécessaire de démontrer aux autres pays qu’il est en mesure de contrôler les événements. Donc, le recours à l’armée s’inscrit dans cette optique d’offrir une image d’efficacité et de maîtrise de la situation.
En tout état de cause, des menaces d’attentats terroristes ont mené à l’intervention de l’armée russe afin d’assurer, conjointement avec la police et le FSB, la sécurité des Jeux olympiques à Sotchi. Cette prestation de services s’inscrit dans des rôles policiers, notamment celui d’assurer la sécurité de l’État. Ce déploiement de sécurité répond à des impératifs liés à l’image de l’État russe et de ses dirigeants sur la scène internationale.