Entre SQ, PQ et FTQ, qu’a-t-on entendu ?
Des écoutes électroniques laissent croire une certaine liaison entre les dirigeants de la FTQ et le Parti Québécois.
Alors que certains semblent croire que « Big Brother » espionne toutes communications électroniques des citoyens aux États-Unis à des fins de sécurité, on ne peut en dire autant au Québec. Par contre, l’écoute électronique policière est bel et bien présente au Québec et constitue une technique utilisée afin de prendre connaissance de la criminalité qui nous échappe : le chiffre noir de la criminalité.
Dans les récentes écoutes électroniques obtenues par la police et entendues à la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction (ou commission Charbonneau), on peut entendre discuter Jean-Lavallé, ex-PDG de FTQ-Construction et Michel Arsenault, président de la FTQ, d’un certain « deal » qu’il aurait effectué avec le marie du chef du PQ.
Quelles instances sont autorisées à faire de l’écoute électronique ?
Au Canada, l’écoute électronique peut être œuvrée par les corps policiers de niveau quatre et plus c’est-à-dire le Service de police de la ville de Québec (SPVQ) et tous les corps policiers supérieurs (le Service de police de la ville de Montréal ou SPVM, la Sûreté du Québec ou SQ et la Gendarmerie Royale Canadienne ou GRC). D’autres instances gouvernementales sont également autorisées à faire de l’écoute électronique dans des cas de surveillance, notamment le Service canadien de renseignement de sécurité.
D’où proviennent les écoutes électroniques entendues à la commission Charbonneau ?
Depuis 2012, les policiers doivent obtenir un mandat afin de procéder à une écoute électronique. Auparavant, les policiers pouvaient spécialement effectuer des écoutes électroniques sans mandats, si la situation revêtait d’une certaine diligence. Diligence vous dites ? Et bien « Diligence » est le nom de l’opération policière menée par la SQ sur l’infiltration du crime organisée et de la corruption dans la construction et ses syndicats au Québec. L’opération « Diligence » est une opération menée par l’escouade Marteau. Cette escouade, mise sur pied en 2009 par la Sûreté du Québec (et qui travaille de concert avec le SPVM) se penche sur la présence d’actes criminels, la collusion, la corruption et la malversation dans le domaine de la construction. Les écoutes électroniques que l’on a entendues dans cette affaire (et la plupart des écoutes de la Commission en générale) ont été tirées de l’opération policière « Diligence ».
Qu’est-ce que la police a intercepté ?
Dans l’un des enregistrements téléphoniques entre Jean-Lavallé, ex- président de la FTQ-Construction et Michel Arsenault, président de la FTQ, on peut entendre ceux-ci qui discutaient, en date de 2009, de leurs inquiétudes face à l’éventuelle possibilité que le PQ décide de provoquer une commission d’enquête sur la construction au Québec, soi-disant la présente Commission Charbonneau. Leurs conversations laissent également croire que les dirigeants de la FTQ jouissent d’une certaine proximité avec le Parti Québécois en qualifiant ceux-ci de « nos amis du PQ »
« S’ils veulent faire une enquête sur les syndicats, va falloir que tous les deux on s’assoie, pis parler à nos amis du PQ » dit Jean-Lavallé à Michel Arsenault.
À ce moment-ci, le Parti libéral était au pouvoir et n’envisageait pas la tenue d’une commission d’enquête sur la collusion et la corruption au Québec. Seulement la CAQ réclamait une commission d’enquête et le PQ semblait ambivalent. On comprend alors que les craintes des dirigeants de la FTQ sont liées à ce que le PQ décide d’entamer une commission d’enquête, ce qui ferait bousculer la balance politique et en permettrait sa création.
Par contre, les dirigeants tentent de se rassurer par une certaine entente qui aurait été effectuée entre la FTQ et le Parti Québécois, notamment par l’entremise de Claude Blanchet, ex-PDG du fonds de la FTQ, mais également mari de la chef du PQ, Pauline Marois.
« Faut pas que le PQ embarque dans ça à cause que si y’embarquent dans ça, y vont se faire ramasser eux aussi », mentionne Jean-Lavallé dans l’écoute, à qui M. Arsenault réplique : « Ben y sont mal pris en ostie, parce qu’on a un deal avec Blanchet ».
Pauline Marois nie ce « deal » et Jean-Lavallée ne s’en souvient plus. Un public en délire qui a halluciné des écoutes électroniques il faut croire.
Ainsi, bien que Jean-Lavallé ne se souvient plus d’avoir mentionné un tel « deal », qu’il affirme qu’aucune de ses futures rencontres avec « ses amis du PQ » ne s’est concrétisée et que Pauline nie la présence de ce « deal », la police semble tout de même avoir mis le doigt sur des écoutes qui rendent compte d’une complicité entre les hauts dirigeants de la FTQ et du PQ, mais surtout que ces hauts dirigeants cherchaient à tout prix à empêcher une enquête sur leurs activités.
Difficile d’en tirer des conclusions après tout cela, mais il est tout de même ironique que cette commission qui a été poussée par le PQ, pour qui à l’origine sa position sur sa tenue était ambiguë, en résulte à des brèches compromettantes sur le PQ lui-même. Pourrait-on dire dans ce cas-ci, sans prétendre que ceux-ci forment un tout homogène, que les représentations de la force de l’État, la police, sont venues contraindre les représentants politiques mêmes de l’État, soit le PQ?