Affaire Villanueva, plus de 5 ans après…
L’affaire Fredy Villanueva a été très médiatisée à partir du mois d’août 2008. Et pour cause, rappelons-nous l’histoire de ce jeune hondurien de dix-huit ans abattu lors d’une intervention policière dans l’arrondissement de Montréal-Nord. Un drame qui s’est joué en moins d’une minute …
La victime se trouvait dans le stationnement de l’aréna Henri-Bourassa et jouait aux dés accompagnée de son grand frère (Dany Villanueva) et de ses amis. Alors que la police se mettait en marche vers les individus pour procéder au contrôle de leurs activités, l’agent Lapointe saisit le bras de Dany Villanueva pendant que celui-ci tentait de se défaire. Le policier exerça une manœuvre sur l’individu et ainsi, réussi à le maintenir au sol. Une policière, aussi sur place, Stephanie Pilotte, aida son partenaire en maintenant les pieds de Dany pour qu’il cesse de se débattre. À ce moment, la victime ainsi que les autres jeunes témoins de la scène se déplacèrent en direction de l’altercation et tentèrent de séparer les policiers et Dany. Ayant eu peur de se faire désarmer, l’agent Lapointe fit feu et blessa par balle les deux amis pendant que deux autres projectiles atteignirent mortellement Fredy Villanueva.
Les réactions émanant de toute part, que ce soit des médias, des politiciens ou de la communauté ont été vives. De plus, nous nous souvenons de l’émeute du 10 août 2008 qui a été d’une très grande intensité; un rare moment dans l’histoire contemporaine de Montréal où l’on a pu voir des voitures incendiées, des coups de feu tirés et encore plusieurs actes de violence exprimant la révolte de la communauté à l’endroit des forces de l’ordre. Nous pouvons bien entendu nous demander si nous voyons en ces manifestations un moyen efficace de démontrer son sentiment d’indignation, mais cela est une autre histoire et demandera plus de développements.
Dernièrement, l’évènement tragique a refait surface dans les médias, car le rapport d’enquête officiel du coroner, André Perreault, sur les circonstances et les causes du décès s’est finalement conclu en décembre 2013. Le rapport de 143 pages soulève beaucoup de critiques à l’égard de l’intervention policière du 9 août 2008. Dans celui-ci, on présente les différents acteurs du drame, notamment les policiers qui étaient sur place en relatant le parcours académique et professionnel de ceux-ci. On y précise que l’agent Pilotte a déjà suivi des cours sur la réaction à adopter comme policier travaillant seul en cas d’encerclement ou de plusieurs menaces autour de soi. On fera remarquer que la formation reçue ne couvre pas la situation d’attaque à l’endroit d’un partenaire.
À la page 69 du rapport, le coroner pointe du doigt un constat autrement problématique. La procédure du Service de police de la ville de Montréal veut que lors de ce genre d’événement, l’agent explique immédiatement la situation à son supérieur. « Le sergent Bellemare est catégorique : jamais l’agent Lapointe ne lui a mentionné qu’il avait eu peur d’être désarmé et ce dernier a bel et bien mentionné avoir été encerclé même si l’agent Lapointe n’en fait pas état dans sa déclaration. » Le policier aurait donc changé de version. Pour sa part, sa coéquipière, Stéphanie Pilon, a témoigné n’avoir jamais pressenti que leur vie était menacée. Le coroner, André Perreault, n’écarte pas la thèse du profilage racial ou socio-économique dans ce contexte et stipule qu’il devra pousser l’analyse plus loin [ii].
Dans le rapport, le coroner développe entre autres sur l’impossibilité de Fredy Villanueva de désarmer l’agent Lapointe. En effet, les experts affirment que l’étui de l’arme est sécuritaire, car il offre un juste équilibre entre la protection offerte par la capacité de rétention et la facilité à dégainer pour le policier.
André Perreault adresse ainsi une série de recommandations aux services policiers et au gouvernement afin d’éviter la reproduction d’un drame comme celui du 9 août 2008, drame qui a coûté la vie à un jeune homme de 18 ans et causé l’émoi et l’indignation au sein de la société. Nous retenons quelques-unes de ces conclusions :
- La SPVM doit veiller à ce que les policiers appelés à intervenir à Montréal-Nord reçoivent une formation relative à l’intention auprès des personnes issues de minorités ethnoculturelles et à leurs perceptions de la police;
- Les policiers devraient être dotés d’armes ayant une séquence de tirs moins rapides;
- De nombreuses autres améliorations devraient être apportées à la formation du corps policier;
- Le ministère de l’Éducation devrait favoriser dès le début du secondaire la sensibilisation à la façon la plus adéquate de se comporter avec un policier lorsqu’on est interpellé pour une infraction ainsi que la façon correcte de contester un constat d’infraction.
Pour conclure, le coroner estime que la mémoire de Fredy Villanueva ne doit pas être associée à celle d’un voyou tombant sous les balles d’un policier qu’il allait attaquer.
Les citoyens sont au courant que les forces policières sont mises en place pour les protéger… mais qui les protégera de la police? Une lecture critique du système policier s’impose pour une meilleure protection de la vie et de l’intégrité humaine.
Il est possible de consulter le rapport d’enquête d’André Perreault, Cliquez ici.