Instrument de torture ou simple arme de défense?

Qualifié pour certains, dont le Comité contre la torture de l’ONU (http://www.raidh.org/Taser-le-comite-contre-la-torture.html) comme un outil de torture, le pistolet à décharge électrique, qu’on peut même se procurer sur Internet, couramment appelé « taser gun »,  a fait beaucoup parler de lui ces dernières années, que ce soit par la population en général ou même par les instances juridiques et politiques.

« TASER » regroupe les premières lettres des mots : Tom Swift and His Electric Rifle, Tom Swift étant un personnage, inventeur, de romans pour enfants (britannica.com et infirmiers.com). Les décharges que provoque le « taser gun » ont été la cause, ou du moins, ont contribué aux décès de plusieurs malchanceux. Il est facile de retracer les nombreux et malheureux incidents  dont ce pistolet électrique a été le sujet principal dans les médias. On peut penser à la mort de Quilem Registre où 2 policiers ont été suspendus dans cette affaire (ledevoir.com) ou la mort de Donald Ménard, survenue le 11 novembre dernier, soit en 2013, dans le quartier Centre-Sud à Montréal a effectivement ranimé le débat sur l’utilisation du « taser x 26»  par les corps policiers.

Tout d’abord, je tiens à mentionner que le pistolet à décharge électrique est qualifié comme une arme non létale. En envoyant 2 dards qui délivrent une décharge électrique de 50 milliers de volts, des ondes sont censées bloquer le système nerveux pour un court laps de temps (sante-medecine.net). Par contre, des ecchymoses peuvent résulter du fait de recevoir un tel coup. Le « taser gun » a été inventé dans le milieu des années 1970 par Jack Cover, physicien et inventeur américain, comme l’indique britannica.com, permettant ainsi aux agents de posséder une arme à bord des avions en prévenant des crimes potentiels. Il est utilisé dans plusieurs pays, dont le Canada, les États-Unis, l’Argentine, la France… Mondialement, il est toutefois controversé. Les tristes évènements qu’il peut susciter arrivent le plus souvent chez des personnes cardiaques (évidemment), aux prises avec des problèmes psychologiques ou intoxiqués.  Les autorités mentionnant leur utilisation la justifient en disant vouloir réduire le taux de blessures/mortalité chez ses agents de la paix en permettant une maîtrise de l’assaillant à distance. Je tiens à préciser que le taux de mortalité est 2 fois plus élevé chez les chauffeurs de taxi, comme l’indique le rapport de Sara Dunn sur statcan.gc.ca. Ainsi, devrait-on équiper les chauffeurs de taxi de pistolets à impulsion électrique?

Le 11 novembrem vers 17h30, les policiers de Montréal sont appelés dans une maison de chambres située sur la rue St-Andrée rapporte le copb.resist.ca (collectif opposé à la brutalité policière) et le journal La Presse du 12 novembre 2013. Ils répondent à un appel concernant une femme, intoxiquée dit-on, qui aurait fait une chute subissant ainsi des blessures. Connaissant le coin, 4 policiers sont venus accompagner les ambulanciers. En arrivant sur les lieux, un groupe de personnes visiblement agressives et quelques-unes possiblement intoxiquées attendaient les policiers de pieds fermes. Peut-être avaient-ils connus des démêlés avec la justice auparavant et reconnaissaient-ils quelques policiers parmi ces 4 agents du poste 21? Il est à noter que nous ne connaissons pas l’attitude des policer envers ces personnes également. Donald Ménard, selon les médias, aurait surgi de nulle part dans un étroit corridor et aurait attaqué les policiers. Il était donc très agressif et visiblement intoxiqué selon les policiers. Ces derniers ont donc voulu maîtriser Ménard avec du poivre de cayenne, sans succès, pour ensuite utiliser un bâton télescopique contre le colosse sur qui, ce bâton n’a eu aucune incidence. Dans les altercations assez violentes, selon les témoins sur place, Ménard aurait même cassé les dents d’un des policiers. C’est alors qu’un des policiers a utilisé son pistolet à décharge électrique contre Ménard. Selon des personnes sur place, Ménard aurait enlevé les fléchettes électrifiées collées à son corps à plusieurs reprises pour recevoir plusieurs décharges, dit-on.  Les policiers ont enfin pu maîtriser Ménard qui se trouvait au sol; ils l’ont ensuite menotté. C’est à ce moment qu’il aurait perdu conscience, il aurait été transporté à l’hôpital où on aurait constaté son décès. Les policiers ont eux aussi été transportés à l’hôpital pour des blessures mineures qu’aurait occasionnées l’altercation avec Ménard. L’enquête a alors été transférée à un autre corps de police, comme c’est la procédure lorsqu’il y a mort d’homme, soit à la Sûreté du Québec, on peut d’ailleurs entendre Gino Paré, porte-parole de la S.Q. tvanouvelles.ca.

Cela dit, histoire des faits révélés, Ménard était rapporté disparu par l’Institut en psychiatrie légale Pinel; il était recherché depuis le 10 novembre. La Sûreté du Québec craignait pour sa sécurité s’il ne prenait pas ses médicaments. Il avait été reconduit à Pinel après avoir été déclaré non criminellement responsable pour cause de troubles mentaux dans une affaire de maltraitance d’animaux en 2012. On dit que Ménard avait une longue feuille de route au niveau criminel, il n’en était pas à son premier passage devant les tribunaux. Il avait été déclaré non criminellement responsable dans le cas d’accusation de vol, entre autres. Il avait purgé des petites peines de prison pour de minces larcins, ici et là. De plus, ce n’était pas la première fois qu’il s’évadait d’un hôpital où il devait y être détenu. Toutes ces informations ont été rapportées dans un article de David Santerre sur lapresse.ca. Toutefois, on peut se poser les questions suivantes : ces qualificatifs au sujet de Ménard le rendent-t-ils nécessairement plus dangereux? Ces données à son sujet méritent-elles tout l’espace médiatique dont elles ont reçu? Nous devons nous rappeler ce que Marx a dit au sujet de la dignité : nous sommes tous des êtres humains méritant, également, la même dignité. Il est donc nécessaire d’être objectif avant de justifier l’utilisation du « taser gun »  sur un homme, peu importe qui il est, qu’est-ce qu’il a fait, ses antécédents, son mode de vie…

La Commission de sécurité publique a enquêté au sujet de l’arme à impulsion électrique et a dit ville.montreal.qc.ca à la page 15 : l’utilisation d’un pistolet à décharge électrique ne peut être utilisé dans les situations où il y a danger de mort ou de blessures graves du policier ou de la personne visée, en privilégiant d’autres moyens d’interventions et que s’il doit être utilisé contre une personne fortement agitée, confuse ou intoxiquée, le policier doit limiter son utilisation à une décharge électrique. On peut se questionner sur le danger potentiel que présentait Ménard. Il est question ici de proportionnalité. Évidemment que les policiers ont utilisé d’autres méthodes d’intervention avant et ils ont conclu avec leur jugement du moment que le pistolet électrique était de mise.  Toutefois, ils mentionnent que Ménard semblait fortement intoxiqué, alors pourquoi ils ne se sont pas limités à une seule décharge électrique? La réponse plausible est que Ménard n’était vraisemblablement pas maîtrisable; l’adrénaline que provoquent de telles situations devait envahir les policiers et dans l’instant même, ils n’ont trouvé d’autres méthodes que de « taser » Ménard à nouveau.  On peut alors se demander : est-ce qu’on renseigne, apprend et sensibilise les policiers aux dangers potentiels du « taser gun », à une bonne utilisation, à d’autres méthodes de contention?  Oui, tel que mentionné dans le rapport cité plus haut, mais sommes-nous assez sévères dans l’attribution des notes?

À Londres, les agents de la paix, amicalement appelés les « bobbies » en l’honneur de leur fondateur Robert Peel, ne sont équipés que de menottes, bâton et poivre de cayenne. Ils assument leur travail de cette façon. Un sondage auprès des patrouilles de rues révèle qu’un quart de ces agents ne voudraient pas être équipés d’un fusil (on parle ici d’arme à feu), en effet seules les unités spéciales peuvent être armées mentionne Mali Ilse Paquin sur blogues.lapresse.ca.  Toutefois, rien ne suggère que les taux de criminalité sont moins élevés à Londres. Ici, à Québec (Montréal), nos policiers feront l’acquisition de nouveaux pistolets à décharge électrique d’ici la fin de l’année pour, soit-disant, mieux contrôler et diminuer le crime. Je mentionne ici que le taux de criminalité est en baisse depuis les 20 dernières années comme l’indique statcan.gc.ca, contrairement à ce que laisse sous-entendre le projet de loi C-10. Ces achats massifs d’armes sont-ils réellement nécessaires ou ils servent simplement à décorer nos policiers en rassurant le citoyen moyen qui a une peur bleue du crime étant donné que c’est le sujet principal des médias sensationnalistes.

Pour terminer, je pense qu’il serait important de se questionner sur l’usage coercitif de la force/violence que l’on donne aux agents de la paix. Elle est malheureusement trop souvent mortelle. Également, méritent-ils vraiment toute cette impunité envers le système de justice? Il ne faut pas oublier que les policiers sont des gens comme tout le monde, qui peuvent parfois être aux prises avec des problèmes de violence, eux aussi.